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        Peut-être, comme moi, avez-vous été intéressés par le gala de réouverture du Bolchoï diffusé sur Arte hier soir ?

        Cependant, je le confesse, je n'ai pas allumé mon poste tout de suite, si bien qu'au moment où j'ai commencé à suivre cette transmission, il s'était déjà écoulé 40 minutes depuis son commencement. Cela eut pour effet de me faire "tomber" pile sur l'épisode tiré du Spartacus de Katchaturian, ce qui évidemment m'enthousiasma et me décida à ne plus abandonner l'écoute.

        Il s'agissait d'un "final" très mouvementé mettant largement en valeur le corps de ballet masculin, mais je vous propose d'en apprécier d'abord le célèbre Adagio, dans cette interprétation antérieure du Bolchoï.

     

     

        Évidemment je me disais que j'avais peut-être beaucoup manqué en ne regardant pas le début, aussi fus-je très intéressée par l'annonce de retrouver la vidéo intégrale sur internet, grâce au site d'Arte. 

       J'ai alors beaucoup erré, la présentatrice ayant évoqué "Arte live" alors que la diffusion ne s'y trouvait pas, mais était sur "Arte+7" ; de plus, lorsqu'enfin je découvris l'émission, je fus victime d'un dysfonctionnement : j'avais le son, mais l'image resta bloquée, immobilisée sur le cliché initial. Si bien que, pour contrôler l'état du site, je me décidai à afficher une autre vidéo : le documentaire intitulé "Bolchoï, une renaissance" (voir ici) ... 

        C'est d'un épisode de ce documentaire que j'ai l'intention de vous parler ici, et plus précisément  de la question de l'acoustique, confiée à des ingénieurs allemands.

        Je savais que les lois de l'acoustique avaient été comprises par les grecs dès l'antiquité pour leurs théâtres, et qu'elles correspondaient à des principes physiques de résonance et d'écho. Cependant je ne savais pas, comme je l'appris à cet instant, qu'un sol de pierre n'était pas indiqué pour recevoir cette multitude de sons, et que l'on était allé jusqu'à supprimer la dalle de béton destinée à soutenir l'édifice, afin de restaurer un support de bois capable de "vibrer" (voir la vidéo citée de 25'50 à 27 et un peu au-delà).

     

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       En voici des captures d'écran.

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      L'ingénieur frappe avec sa main pour indiquer la résonance et la réceptivité du bois, afin de comparer la grande salle du Bolchoï savez-vous à quoi ?

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          ... À un violon ! La salle entière serait plongée comme dans la caisse de résonance d'un violon, vous vous rendez compte ?

           Comme cela permet de mieux comprendre l'immense différence qui existe entre le fait d'assister à un concert en live, et le fait d'écouter un disque, avec la meilleure sono du monde ! Dans la salle on est intégré à la vibration, on est plongé dans un cocon musical, et même, affirme notre interlocuteur, on ressent ces vibrations dans notre corps... C'est bien sûr ce qu'avait cherché Richard Wagner lorsqu'il fit construire spécialement son "Festspielhaus" à Bayreuth ; et c'est sans doute pourquoi dès que j'eus entendu un opéra dans ce fabuleux théâtre, je voulus les y entendre tous... J'étais subjuguée.

         Si l'on pouvait dessiner les vibrations qui se diffusent alors dans cette immense caisse de résonance, on aurait sans nul doute un tissu très dense et soyeux, celui que j'évoque à la fin de ce poème, écrit dans ma jeunesse après une représentation de Parsifal à Bayreuth.

        Adolescente, je fus fascinée par les théâtres, et particulièrement par le Palais Garnier à Paris, dont je vous reparlerai demain.

     

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  •     Lorsqu'au sortir de l'adolescence je parvins à Paris pour y faire mes études, il n'y avait pas encore d'Opéra Bastille - il n'en était même pas question ! Le seul opéra, que je découvris avec ravissement, était le Palais Garnier.

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    Vue aérienne de l'Opéra de Paris, au début du 20e siècle


        Posé comme un joyau dans son écrin de façades, il m'éblouit par son architecture aussi savante qu'équilibrée et par le mystère impérieux qui entourait ses coulisses. De toutes façons, tout m'y était mystérieux, puisque je n'imaginais pas une seconde y venir en spectatrice, persuadée que j'étais de sa destination à une élite aussi élégante que fortunée...

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    Carte postale représentant le Palais Garnier avant sa restauration, dans les années 70


         J'en collectionnais les vues sur cartes postales, et j'aimais particulièrement celle-ci qui évoque les grands soirs où la musique en faisait vibrer les voûtes... Mais je ne m'imaginais pas, moi petite provinciale sans éducation, mêlée au grand monde circulant à l'intérieur ; surtout que dans mon rêve d'adolescente, ce n'était pas par le devant que je devais y pénétrer, mais par l'arrière, par l'entrée des artistes !

         Je chantais beaucoup à l'époque, mais sans avoir eu accès au Conservatoire, si bien qu'aucune expérience ne pouvait me retenir de basculer dans un imaginaire permanent.

        Furieusement tentée par une visite "intime" des lieux, je me mis à guetter l'arrière du bâtiment pour voir comment l'on pouvait s'y faufiler, et repérai vite le passage que je cherchais.

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    Vue arrière du Palais Garnier, avant sa restauration


          Sur cette vue de la façade dos du Palais Garnier, j'ai ajouté une flèche rouge pour pointer la porte que je découvris comme étant celle de la conciergerie... Ayant vu entrer et sortir par là des personnes, mais ayant aussi remarqué qu'elles saluaient au passage un gardien, je me ruai un beau matin à l'intérieur, en courant à toutes jambes pour que l'on ne puisse pas m'arrêter, enfonçant un couloir puis montant le premier escalier venu...

        J'étais arrivée dans les coulisses ! Toute cette partie arrière du bâtiment était consacrée aux salles de répétition. J'ignorais si des visites guidées du monument étaient alors en place, et d'ailleurs je me promenai dedans tout à fait ingénument, sans guide, et sans indication précise sur ce que je voyais.

    Opera-Garnier-Foyer.jpeg

    Le Grand Foyer

     
       Mais ce fut un plaisir sans égal que de découvrir, derrière une porte, de luxueux promenoirs plongés dans le sommeil, ou sous le grand escalier, une fontaine... 

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    La salle de l'Opéra Garnier avec son somptueux rideau


        ... Et enfin, la salle ! Plongée dans l'obscurité comme il se doit, mais avec juste l'éclairage nécessaire venu des larges vitres du couloir que je quittais ou de quelques veilleuses.

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    Sur ce cliché emprunté à Wikipédia, la scène a été avancée  par dessus la fosse d'orchestre, puisqu'il s'agit vraisemblablement d'un concert et que les musiciens sont dessus

     
        Puis, lorsque j'osai transgresser l'interdiction qui me menaçait à chaque étage (à chaque étage au même endroit : une porte grise avec un gros sens interdit, assorti d'une inscription effrayante du type "entrée formellement interdite"), je me trouvai enfin sur la scène. Sombre elle aussi et surtout enchevêtrée de décors immenses, mais éclairée par le haut, juste ce qu'il fallait pour que je ne m'y perde pas tout à fait...

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    Maquette de l'Opéra Garnier en coupe longitudinale, visible au Musée d'Orsay

     
       Ce ne fut que de longues années plus tard, qu'à l'occasion de la rencontre avec un représentant d'une encyclopédie, je reçus de celui-ci en cadeau un poster sur lequel je pus découvrir cette coupe de l'édifice, me permettant de mieux comprendre mon périple et mes errances.

    Opera-garnier_Coupe1.jpgLa même coupe trouvée commentée sur le net, avec quelques ajouts de ma main (note : je ne sais pas ce qu'est le "Zodiaque", et je n'y ai pas eu accès)


         J'étais là comme Alice au Pays des Merveilles... D'autant plus éblouie que tout m'apparaissait vierge de toute indication d'ordre culturel ou explicatif. Simple et superbe comme une femme qui se déshabille.

        Et c'est pourquoi peu après, plongée dans la psychanalyse, je m'avisai du fait que l'Opéra de Paris pouvait ressembler à un Sphinx.

    Opera-Garnier_annees2000.jpgVue actuelle du Palais Garnier (cliché Wikipédia)

     

       La merveilleuse coupole qui surplombe la salle peut faire penser au crâne de l'animal (traditionnellement couché), tandis que les frontons latéraux de la façade évoquent ses pattes avant, et les petits pavillons des côtés, les pattes arrière, le toit de la scène représentant son dos. De son visage on ne perçoit pas la gueule, mais une quantité d'yeux qui vous regardent, comme toutes ces fenêtres ; par contre, lorsque vous vous trouvez dans la salle, ronde et rouge, c'est comme si vous y étiez, dans sa gueule !

       Et de même que Jean Cocteau, dans la Machine Infernale, prête au Sphinx-femme la faculté de se transformer en labyrinthe, de même ce "Palais des Mirages" devenait pour moi le support de tous les fantasmes...

     

        « ... Bouclé comme la mer, la colonne, la rose, musclé comme la pieuvre, machiné comme les décors du rêve, invisible surtout, invisible et majestueux comme la circulation du sang des statues, un fil qui te ligote avec la volubilité des arabesques folles du miel qui tombe sur du miel. »

    (Cocteau, la tirade du Sphinx, voir texte complet ici)

     

       J'ai donc écrit ce poème, intitulé SPHINX, pour illustrer cette idée, en ajoutant à la fin le souvenir d'une grande interprète retrouvée un soir de représentation seule sous un porche à attendre son taxi, loin derrière l'entrée des artistes (il s'agissait de Gwyneth Jones en 1970, alors Sieglinde au Festspielhaus de Bayreuth).

     

    Tu es le théâtre ô mon Sphinx endormi

    Sous tes voiles veillent mille dragons cachés
    Dans les labyrinthes de ton corps accroupi
    Sous tes paupières obstinément baissées
    Tu me dérobes ton regard de feu
    Et je te cherche sans jamais te trouver

    Par les voies sans issue les portes closes
    Les entrées interdites les escaliers de coulisses
    Dans les logettes réservées
    Les vestiaires d'artistes
    Sur les passerelles qui surplombent la scène
    Les tours de lumière
    Je te cherche en vain

    Et je te trouve enfin toute de blanc vêtue
    Seule sous la porte cochère
    Qui regardes pleuvoir la nuit
    Douce et abandonnée

    Tu as fui ce soir-là tu t'es fondue dans l'air
    Et depuis tu n'es plus qu'un fantôme irréel
    Aux apparitions insaisissables

    Et dont la voix me déchire


     


      Tu che le vanita, Air d'Elisabeth tiré de l'Acte V
    de Don Carlo de Verdi, gravé sur un disque.


           Il faut dire que la voix humaine a un grand pouvoir émotionnel, ce qui explique le culte que l'on a pu rendre aux "divas". Je parlais hier des vibrations transmises par une salle, mais une voix féminine puissante émet elle-même de telles vibrations que l'on ne peut qu'en être profondément bouleversé.

          Pour terminer cet hommage rendu à notre bel Opéra, je vous invite à visiter la page que lui consacre Wikipédia, très bien documentée ; ainsi que ce site spécifique, intéressant pour ses visites virtuelles.

     

     

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       Comme je vous le disais ici, la troisième symphonie de Ropartz était délaissée par rapport aux quatre autres qui avaient fait l'objet d'enregistrements récents sur CD, probablement à cause de son ampleur et surtout de l'ampleur des moyens qu'elle nécessite.
     

        Or, voici que mon voeu entre temps a été exaucé !! En effet Jean-Yves Ossonce, avec l'Orchestre symphonique de Région Centre Tours, a réalisé cet important défi et semble-t-il, avec bonheur.

     

    3eSymphonie-Ropartz.jpg

     

      Sorti tout récemment (fin octobre) sous le label Timpani, comme les précédents enregistrements de Ropartz et juste après une audacieuse reprise d'Aucassin et Nicolette du compositeur breton méconnu Paul Le Flem,  ce disque est offert à un prix plus attractif chez Amazon qu'à la Fnac, où en revanche on a la chance de pouvoir en apprécier la teneur : en effet si vous vous reportez à ce second lien, vous pourrez découvrir comme je l'ai fait quelques extraits de chaque mouvement de l'oeuvre, et apprécier ce qui est vraiment une qualité, la compréhension aisée que l'on a enfin du texte, tant avec les chœurs qu'avec les solistes !

        Jean-Yves Ossonce a également enregistré les 4 symphonies de Magnard (voir ici), ce qui en fait le digne successeur de Michel Plasson en ce qui concerne la défense de la musique française du XXe siècle.

     
     

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  • Bleuets-22nov.JPG

     

        Voici quelques bleuets cueillis sur le bord du chemin le jour de la Sainte-Cécile. Ils ont passé le 11 novembre, du double !

         Puisque je les ai cueillis ce jour-là, avec quelque retard je vous propose un peu de musique concernant la patronne des musiciens. Il s'agit d'une oeuvre peu connue d'Ernest Chausson, musicien français de la fin du 19e siècle : "La légende de Sainte Cécile", musique de scène écrite pour le drame en 3 actes de Maurice Bouchor, qui est interprétée dans l'unique enregistrement existant par l'Ensemble orchestral de Paris sous la direction de Jean-Jacques Kantorow, avec une soprano solo qui représente Cécile (Isabelle Vernet), un violoncelle solo (joué par Paul Boufil) et l'excellent choeur de femmes de Radio-France... plus dans l'orchestre un célesta ! On trouve encore ce disque d'occasion ici chez Amazon, ou à la Fnac avec en prime quelques extraits en écoute.

        Je vous en offre le tout début, le "mélodrame" orchestral qui ouvre l'acte 1. 



       Mais je ne puis m'empêcher d'y ajouter cette 10e partie, qui débute l'acte 3 aux accents du chœur qui chante : "Ô Vierge, ta gloire est prochaine"... En effet, lorsque le chœur paraît, à la 3e minute de cet extrait, elle est entièrement accompagnée de l'argentin célesta. 

     

     

    Sainte-Cecile

     
     

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  • Avis aux amateurs de la région d'occitanie !

    Journees-musette-2012.jpg

    (tract de quatre pages imprimable grâce au lien en pdf - double-cliquez sur l'image)

     

       Connaissez-vous la musette de cour ? Ce petit bijou gazouillant issu des instruments à anche du moyen-âge, et peaufiné petit à petit pour, contrairement à la cornemuse dans laquelle on s'épuise à souffler et qui sonne très fort dans les campagnes, réjouir doucement les oreilles des nobles du XVIIIe siècle en épargnant les poumons de leurs interprètes grâce à l'action un soufflet (voir la seconde image) ?

    Musette.jpg 

    Musette-1.gif

    (En cliquant sur ces images vous rejoignez le site dont elles sont issues, très intéressant quoique malheureusement bourré de publicités - et comportant une faute : il n'y a pas de "s" à "cour")

     

        L'université de Toulouse II-Le Mirail, le Centre occitan des musiques traditionnelles et le Conservatoire à rayonnement régional de Toulouse organisent conjointement en ce second week-end de janvier autour de cet instrument fascinant des journées d'études, accompagnées d'interventions de facteurs d'instruments, de masterclasses, d'un concert et d'une exposition (voir le Pdf).

     

        À titre d'illustration, je vous invite à écouter ce rondeau pour deux musettes de Jacques-Martin Hotteterre (1674-1763), interprété par Jean-Pierre Van Hees (du Lemensinstitut de Louvain en Belgique) et Jean-Christophe Maillard (du CRRT), principaux interprètes actuels.

     

     

        La vidéo offre l'image d'un célèbre tableau de Hyacinthe Rigaud, daté de 1738 et représentant Gaspard de Gueidan en joueur de musette de cour (Musée Granet, Aix-en-Provence).

         Les anglophones (ou non, car l'image en elle-même est parlante) pourront suivre avec intérêt ici une autre vidéo dans laquelle Jean-Pierre Van Hees présente en détail la composition et le fonctionnement d'une musette de cour, lors d'une intervention en Pologne.

     

     

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