-
Toukârâm (2)
À vouloir conserver un seul blog sur tous les sujets, j'ai du mal à faire des rubriques précises ! Toukârâm, qui mériterait sa propre rubrique car j'évoquerai plusieurs de ses poèmes, restera dans "citations" ; mais on le trouvera aisément par "recherche".Pour faire suite à l'article précédent où je l'ai un peu présenté, j'ajouterai ici que certains de ses textes sont difficiles à comprendre sans l'aide des commentaires ajoutés à la fin de l'ouvrage : soit qu'il se plaigne de son entourage familial qui le freine dans ses élans mystiques (étant né commerçant, la religion ne faisait pas partie des attributions de sa caste, et sa femme le rappelait souvent à son échoppe), soit qu'il critique les brahmanes qui, se prétendant autorisés à exhiber leur spiritualité, font des simagrées proches de la tartufferie. Passée la surprise née d'une formulation souvent lapidaire, on peut s'amuser de constater à quel point les mêmes situations se retrouvent, entre le XVIIe siècle oriental et le XVIIe siècle occidental, ou entre l'Inde et l'époque de Jésus.
J'y reviendrai certainement plus tard ; mais aujourd'hui je voudrais vous offrir ce poème qui me confond par sa tendresse.
Une Goujarie s'en va quérir de l'eau :
toute sa pensée autour de sa cruche.
Elle marche, son sari se dénoue,
mais son cœur est là-bas.
Un cerf-volant bondit dans l'espace :
le voilà au plus profond du lointain.
L'enfant retient le fil dans sa main,
mais son cœur est là-bas.
Un voleur commet un vol :
il cache son butin dans la forêt.
Il va et vient dans le village,
mais son cœur est là-bas.
Une femme est adultère :
elle fait le ménage chez elle.
Mais elle vit pour son amant seul,
et son cœur est là-bas.
Nous sommes plongés, dit Toukâ,
en d'indifférentes occupations :
que notre cœur jamais ne soit
hors du Seigneur.
Psaumes du Pèlerin, XLIX
de l'édition GallimardComment ne pas songer à la chanson de Jean-Jacques Goldman :
Quoi que je fasse,
Où que je sois,
Rien ne t'efface,
Je pense à toi.Toukârâm montre patiemment des êtres très différents qui tous, même plongés dans d'autres occupations, restent focalisés sur leur pensée la plus chère. Et en ce sens, il opère une gradation, depuis la simple préoccupation de ne pas perdre l'eau si précieuse, jusqu'à l'amour secret enfoui dans le cœur d'une femme.
Je note en particulier l'adjectif utilisé dans la dernière strophe : le traducteur, qui sans doute y a mis le plus grand soin, ne parle pas d'occupations diverses, mais "indifférentes" ; ce qui souligne il me semble le peu d'importance accordé à ces mouvements, usuels et plus ou moins machinaux - tandis que le cœur (ce qui en eux est orienté, l'attention et non seulement la pensée) reste ailleurs.
Ces personnages sont l'exacte représentation de ce que le "fou de Dieu" vit en permanence : quoi qu'il fasse, où qu'il soit et même en accomplissant ses devoirs sans rien laisser paraître, il ne pense qu'à Son Seigneur, il demeure à Ses côtés, il demeure en Lui.
-
Commentaires
Les pensées sont des voyages qui nous éloignent de la réalité du monde.......
-
Vendredi 22 Décembre 2017 à 17:43
-
4gazouVendredi 22 Décembre 2017 à 18:42Coucou Aloysia, mieux vaut être fou de Dieu que fou de drogues, mais dans notre petite vie de tous les jours, il suffit simplement d'oublier le quotidien pour élever nos pensées vers le ciel ! Bises
-
Samedi 23 Décembre 2017 à 15:51
-
Merci de nous faire lire ce très très beau poème, que tu commentes avec justesse.
Nous avons tous au coeur un bel amour qui bat, mais que souvent, comme notre coeur, nous nous efforçons de ne plus entendre.
-
Dimanche 24 Décembre 2017 à 09:45
-
Ajouter un commentaire
Bonjour Aloysia
L'occupation est une diversion à la pensée profonde
Les gestes du quotidien sempble importants au yeux des autres et pourtant la pensée occupe tout l'espace.
Beau poème
Bonne journée
Bisous
Oui, tu as très bien vu ce qu'évoque Toukârâm... Belle journée Océanique.