(suite de l'article du 6 juillet)
Passionné de Jean-Sébastien Bach, Robert Bichet décida d'étudier le hautbois au Conservatoire Régional de Tours, où il fut admis dans l'excellente classe de Gilbert Flory : son rêve était d'interpréter les cantates... Mais la connaissance plus approfondie de la musique lui en révéla bientôt d'autres dimensions, et tandis qu'il travaillait d'arrache-pied son instrument en brûlant les étapes, il devenait l'auditeur assidu de France Culture, chaîne qui allait lui faire découvrir la musique contemporaine. Sa vocation allait devenir la composition.
Après avoir été l'élève de Jacques Albrespic à Tours, il fut reçu brillamment en 1972 au Groupe de Recherches Musicales de Radio France où, aux côtés de Pierre Schaeffer, il travailla sur les sons, d'une manière très personnelle et souvent démarquée par rapport à ses condisciples.
Parallèlement il poursuivit des études universitaires de musicologie et d'arts plastiques, qui lui permirent à la fois d'étudier les techniques de gravure et de faire des stages de direction d'orchestre, pour enfin obtenir ses deux licences.
Les débuts en composition musicale
Auteur déjà de trois plaquettes de poésie : "Triptyque"(Tours, 1970), "De la fenêtre"(Paris, 1972), et "Mes Saisons de Bracieux"(Paris, 1973), il commença à composer lorsqu'il fut nommé professeur d'Éducation Musicale à La Courneuve (Seine-Saint-Denis). C'est en coordination avec les enseignants de français du collège Raymond Poincaré qu'il décida de mettre en musique les œuvres poétiques de ses élèves : pourtant, le secteur était difficile, comme chacun sait. Mais c'est ainsi que Robert Bichet pensait exorciser ses propres mauvais souvenirs d'école : en aidant des enfants eux-mêmes en révolte contre l'institution scolaire à s'exprimer, en les faisant monter sur les planches pour prendre publiquement leur revanche !
Ce fut un triomphe à La Courneuve cet été 1979, et une révélation pour toute une génération de collégiens du CES Raymond Poincaré :"Du fond du Gouffre", vaste fresque poétique en forme de De Profundis pour deux chœurs d'enfants jouant de la flûte à bec et des percussions, chœur d'adultes et instruments solistes - hautbois, ondes Martenot, vibraphone, glockenspiel, célesta, jeu de cloches-tubes, gongs, tamtams, cymbales... et appeaux - , un récitant et une bande de sons enregistrés, allait marquer pour Robert Bichet le début d'une longue série d’œuvres écrites POUR ses élèves, avec l'aide d'amis musiciens (du moins au début).
C'est peu après que le jeune compositeur allait obtenir le siège de Directeur du Conservatoire Municipal d'Issoudun, où il s'engagea à poursuivre sur cette même lancée : "Trois métamorphoses du Rêve" allaient voir le jour à Issoudun en 1982, puis en 1985 "le Voyage d'un Papillon", écrit pour Amnesty International d'après des dessins de Folon, et exécuté en l’Église Saint-Cyr d'Issoudun avec des enfants de maternelle aux percussions, joints à l'orchestre des élèves et des professeurs de l’École de Musique.
L'année suivante, 1986, voyait naître l’œuvre dont nous avons déjà parlé : "Neuf espaces sonores" pour orchestre et bande de sons enregistrés.
Mais voici un poème de Robert Bichet. Il est extrait de "Poèmes pour mes dessins de nuit", écrit pour les élèves du Collège Raymond Poincaré de La Courneuve en 1978-79 et publié ultérieurement à Issoudun par l'édition locale François Villon (1997).
Les chats n’ont pas fini
de m’endormir en marchant
sur les touches blanches
et noires du piano désaccordé…
***
Comme vous marchez silencieusement, hiboux à quatre
pattes !… Les arbres défaits passent et repassent
le long de vos promenades nocturnes et vous n’y
pouvez rien, magiciens gris aux yeux de clair de lune.
Vos rêves font vos regards et vos doigts transforment
vos déserts sablés de nuits polaires…
Orion vous guide le long des herbes aux branches
cassées et vous dormez le jour sur des fauteuils
de velours.
***
À vous ces maisons isolées mystérieux voyageurs
des ombres…
Une tête en pierre sillonne votre passage…
Les arbres s’illuminent et vous faites le mort
dans vos greniers désordonnés…
***
Vous n’entendez rien, vous êtes ivres… le soleil
réchauffe l’écaille caressante du lézard assoupi
sur le crépis jaunâtre de vos demeures inviolables !…
***
Un oiseau migrateur transporte un lyre sur le ciel
bleu-cendré de ces longs après-midis traînards.
Ô mystérieuse complicité des pierres…
Et vous géants du soir aux yeux de verre,
vous rôdez solitaires sous les fenêtres
à la recherche de nouveaux déserts.
Au pas de tes silences
(extrait de "Histoire-avalanche en 20 dessins")
Encre et aquarelle de Robert Bichet (1990) -
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