•         Depuis quelque temps me revient en tête cette chanson.

          La première fois que je l'ai entendue, j'avais quelque 22 ans et faisais un stage de théâtre près d'Avignon, à Pâques.

          On nous faisait tourner les bras comme des hélices sur la musique pour mieux respirer, et en effet dès que retentissaient les premières notes nous nous sentions "gonflés" comme au sens propre du mot grec : "enthousiasme" : 

            " Inspiration ou possession par le divin "

     

     

     

    De quelles Amériques
    En passant par quel Atlantique
    En me tombant de quelle nue
    Ce soir m'es-tu revenue ?

    Ne m'en dis rien, ne parle pas,
    Depuis le temps j'ai tant changé
    Que je ne te reconnais pas.

    Nous sommes là main dans la main
    Comme si nous n'avions pas d'âge,
    Tu ne reviens d'aucun voyage
    Nous parlerons demain...

    Regarde la rue, les enfants qui courent
    Tu es revenue, les feuilles s'envolent
    Là-bas dans la cour de la petite école.

    Pour quelle histoire ancienne
    Avais-je perdu ta mémoire
    Et pour avoir eu quelle peine
    Es-tu revenue ce soir ?

    Ne m'en dis rien, ne parle pas
    Tu reviens de loin sur tes pas ;
    Si ton soleil était là-bas,

    Ton ombre était restée ici
    Faisant son nid dans le silence,
    Tu étais là en ton absence
    Et je vivais ainsi !

    Regarde la rue, les arbres qui bougent,
    Ce chaperon rouge qui a rendez-vous
    Entre chien et loup. Oh ! tu es revenue !

    A l'horloge arrêtée, quelle heure est-il ?
    Je ne sais pas,
    L'heure n'a plus jamais été,
    Ne me demande surtout pas

    Par quel passé je suis passé
    Quand je pensais à autrefois
    Au temps où tu étais à moi :

    J'aurais voulu être à ma place.
    Oh ! écoute le vent qui passe,
    Je ne t'ai pas dit que je t'aime
    Je t'aime tant, je t'aime...


    Jean-Loup Dabadie (texte) - Jacques Datin (musique)

     

          À l'origine bien sûr ce texte évoque les retrouvailles d'amants qui veulent tracer un trait sur leurs errements et infidélités.

            Mais ne ressent-on pas simultanément une impression de retrouvailles intérieures, comme s'il s'agissait d'une partie de soi qui s'était égarée aux antipodes et qu'enfin l'on réussissait à réintégrer à soi ? Surtout lorsqu'on est une femme et que la personne retrouvée est au féminin... !

            Et dans ce cas, ne faut-il pas réellement tourner les bras comme des hélices pour couvrir en pensée l'immensité de ces distances, réelles ou imaginaires, mises entre soi et soi - entre ce qui est passé on ne sait comment ("l'heure n'a plus jamais été") et l'endroit où l'on s'est perdu on ne sait comment non plus ("dans quelles Amériques") ? 

         Qui est perdu, dans cette béance où l'ombre est cependant toujours présente ; et qui aime qui, sinon soi-même ?

          Mais tandis que le vent passe, j'aimerais, oui, être à ma place... 

     

     


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  •  
         J'ai déjà souvent cité Ivan Wyschnegradsky, ce musicien français d'origine russe né à Saint-Pétersbourg en 1893 et mort à Paris en 1979 ; c'est à cette époque que France Musique a diffusé son oeuvre étonnante intitulée "La Journée de l'Existence" pour laquelle le musicien, qui l'a composée jeune et ensuite s'est tourné vers des recherches sonores plus ou moins étranges, nourrissait une affection particulière ; il l'a d'ailleurs je crois remaniée plusieurs fois et finalement il semble que cela soit en quelque sorte l'oeuvre unique de toute sa vie. 

           Intitulée initialement "Journée de Brahma", cette oeuvre pour récitant et orchestre de près d'une heure décrit la traversée du temps et de la manifestation par une conscience générée par l'Esprit et son retour final à sa Source. Formule ambitieuse mais composée par l'auteur dans le but d'aider ses contemporains à comprendre et à trouver la voie, elle est en effet extrêmement émouvante et soutenue en permanence par une musique expressive issue de l'influence de Scriabine. 

         J'en ai relevé le texte très inspirant, qui n'est pas publié par ailleurs, et vous en propose ici un extrait tiré de la seconde partie : "Histoire de la conscience individuelle".

           Il fait suite à une première partie au cours de laquelle l'Esprit s'est progressivement incarné, oubliant totalement sa nature, jusqu'à une fulgurante intuition qu'il nomme "la Vision de la Fin", vision prémonitoire qui par la suite sera son guide.

          J'ai séparé les paragraphes et souligné certains passages par l'écriture italique (dans l'oeuvre elle-même, c'est la musique qui met en valeur et souligne parfois). Il s'agit en effet de vécus, de ressentis successifs. L'esprit passe réellement par ces phases ; mais comment en sort-il ? Dans le texte de Wyschnegradsky ce n'est pas très clair ; mais l'on peut se demander comment cela pourrait l'être puisque ce qui échappe à la conscience ne peut être exprimé... Contentons-nous donc pour l'immédiat de ce qui l'est.

     

    Histoire de la conscience individuelle selon Wyschnegradsky

     

     

    Il est plein de langueur, il aspire à l’épanouissement,
    Esprit immortel devenu chair mortelle,

    Et avidement il tend vers sa plus complète floraison,
    Au large, à la rencontre du monde qui l’environne.

     

    Ô Diversité de tout l’Être fleurissant dans une multitude de formes,
    Se manifestant dans une multitude de formes,

    Ô éternel remous de l’Existence !

     Et les formes du monde se dressent de nouveau devant lui,
    Dans les images de la vie qui l’entoure,
    Si mystérieuse et inconcevable…


    Et la pensée s’élève et lui murmure :
    Pourquoi tout cela ? À quoi bon tout cela ?
    Tout cela est-il nécessaire ?
    De cette vie qui perpétuellement se répète elle-même,
    Qui dans le passé a connu joie et souffrance,
    Repos et mouvement, chutes et élans,
    Victoire et défaite, soumission et révolte,
    De cette vie tournant dans un cercle éternel
    Le cycle entier n’est-il pas consommé ? 

     

    Non ! Loin de moi cette fatigue !
    S’élancer en avant dans une incessante création, dans un perpétuel élan,
    Vers le nouveau, l’inconnu, une vie nouvelle,
    De ce qui n’a encore jamais existé !

    Se libérer des liens qui m’encerclent,
    Que plus rapide soit l’essor de ma vie,

    Que plus précipité soit l’envol de mon temps !
    Emporte-moi au loin vers l’inconnu de l’avenir
    À la rencontre de la liberté désirée,
    Et que s’accomplisse le miracle !

     

    Mais il n’y a pas de miracle : partout la souffrance, partout la désolation,
    Et de nouveau les ténèbres, de nouveau la détresse, et l’avenir sans issue…

    Et de nouveau la raison lui murmure, lui chante sa triste chanson :
    À quoi bon les essors, à quoi bon les élans ?
    Amour et désir - vain fantôme ;
    Vie et terre - mouvement de formes, 
    Sans but ni raison, sans commencement et sans fin ;
    Foi et prière - illusion des désespérés.

     

    Ô Corps mortel, connais tes limites !
    Ô Esprit immortel, il n’y a qu’un seul chemin de salut :

    Chemin de l’achèvement du cercle de l’Être,
    Dans un réveil éclatant,
    Dans une manifestation parfaite.

     

    Mais l’heure du réveil n’a pas encore sonné,
    Et l’homme s’agite dans la recherche du but et du sens,

    Plein d’angoisse et de détresse.
    Et l’univers hostile qui l’environne
    Le contraint à une lutte perpétuelle,
    Aux efforts, à la haine…

    Et voici, une fatigue mortelle le saisit :
    Non, fuir ce monde

    Et cette lutte implacable ;
    Et après, dans mon rêve,
    Créer un monde parfait,
    Sans luttes et sans peines,
    Et puis, disparaître, se dissoudre, ne plus exister

    Mais la vérité n’est-elle pas trouvée ? Le salut n’est-il pas obtenu ?
    La fin du chemin n’est-elle pas indiquée

    Dans un aboutissement glorieux,
    Pour l’accomplissement de la loi de la vie ?

     

    Et l’homme se résigne et se prosterne,
    Et dans un pressentiment de la fin se tourne vers le ciel,

    Mais le ciel est silencieux

    Mais quoi ?... foi et Dieu - illusion des désespérés ?
    De ceux qui craignent le mouvement et la lutte ?

    Mais la vie, c’est la lutte !...

     

    Et voici, de nouveau les eaux de la vie le soulèvent,
    Et les fantômes du passé, monde hostile,

    Se dressent devant lui, menacent de l’engloutir.
    Non ! C’est à une autre joie, à un autre savoir,
    À un autre amour que j’aspire,
    Une vérité unique, universelle,
    Enfantée par moi-même dans la douleur !
    Et non pas cette multitude de petites vérités, hostiles l’une à l’autre,
    Suggérées à moi-même par mon propre passé !

     

    Et le temps qui s’écoule et s’écoule,
    Inévitablement, inexorablement,

    Emportant les possibilités, approchant de l’abîme.

    Et toujours cette même éternelle discorde
    Entre ma raison,
    Entre ma foi,
    Entre mes passions.
    Joie et douleur,
    Affirmation - ou négation,
    Foi - ou doute,
    Soumission - ou révolte…


    Non, plutôt ma perte, plutôt ma défaite !
    Mais si réellement la vie

    N’est qu’un souffle unique
    Des ténèbres du Rien
    Vers la lumière du Tout,
    Que s’accomplisse au plus vite,
    Non pas uniquement dans mon rêve, mais manifestement,
    Ce qui doit fatalement s’accomplir !

     

        J'arrête ici ma citation, puisque c'est là que l'auteur fait basculer son discours vers ce qu'il appelle l'heure du réveil. Vous pouvez tout entendre sur youtube ici, ou seulement cette seconde partie dans une version uniquement audio ici (vous avez en plus dans cette seconde partie l'introduction que j'ai omise et toute la fin que j'ai volontairement éliminée...). Mais ce n'est évidemment pas parce qu'on l'aura entendu, que l'on atteindra l'état final parfait. Ni d'ailleurs que cet "état" sera réellement le but ultime - celui-ci étant à la vérité qualifié de  SANS ÉTAT...!

         Mais pour le moment je retiens surtout ce paragraphe que j'ai souligné en italique :

    Et le temps qui s’écoule et s’écoule,
    Inévitablement, inexorablement,

    Emportant les possibilités, approchant de l’abîme.


        Ce paragraphe m'interpelle et m'amuse pour ainsi dire : quelles possibilités peut bien emporter le temps, s'il n'est qu'une nouvelle forme imaginée par le mental ? De quel abîme peut-il bien s'agir si ce n'est de celui de la peur de s'accomplir ?


          J'y ajoute celui-ci, pour satisfaire à une actualité particulièrement criante aujourd'hui :

    Mais il n’y a pas de miracle : partout la souffrance, partout la désolation,
    Et de nouveau les ténèbres, de nouveau la détresse, et l’avenir sans issue…

         Cependant pour moi le second vers n'a pas à être souligné, car les ténèbres et l'avenir sans issue sont réservés à ceux qui accordent crédit à cette désolation, qui reste la simple expression de l'angoisse d'un ego refusant de disparaître.

     
           Reste cette référence constante au temps dans le texte : l'heure  du Réveil... Pourquoi faut-il attendre ? Et quel achèvement de quels cercles ?

           Wyschnegradsky ne parlait certes pas dans le vide, ayant lui-même connu une expérience transcendante à l'âge de 23 ans, avant d'entreprendre la composition de cette oeuvre.

           Il est probable qu'il voulait parler d'une certaine maturité à atteindre, avant laquelle l'Esprit "tourne en rond" pour ainsi dire autour de lui-même, mais en se rapprochant chaque fois un peu davantage de sa Réalité.

      

    Histoire de la conscience individuelle selon Wyschnegradsky

     

      


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  •       Ce soir, tandis que mon corps harassé n'aspire qu'au repos, mon cœur gambade de joie comme un jeune faon saluant l'aurore.

     

     Jeune faon

     

             Personne mieux que Kabîr ne saurait exprimer cette joie. 

     

    Ô mon frère, mon coeur soupire après
    ce Guru véritable ;

    il emplit la coupe du véritable
    amour ; il s'y abreuve puis me l'offre.
    Il écarte le voile de mes yeux et me
    permet la véritable vision de Brahma :
    Il me révèle en lui les mondes,
    Il ouvre mon oreille à la musique inexprimée.
    Je vois où la douleur et la joie se confondent :
    Chaque parole, Il l'emplit d'amour.
    Kabîr dit : En vérité celui-là ne connaît
    plus la crainte, qu'un tel Guru conduit
    au havre de sécurité.

     

    Kabîr, La flûte de l'infini, XXII
    traduit par André Gide d'après le texte anglais de R. Tagore

     

    Un poème de Kabîr

     

     


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  •  

      Le prophète Élie fait l'objet d'un récit dans l'Ancien Testament, dans le Livre des Rois. Cependant il revêt une puissance particulière puisque dans le Nouveau Testament les disciples de Jésus demandent à celui-ci si Jean-Baptiste n'en est pas la réincarnation.

         Et c'est en recherchant pour vous des précisions sur Wikipedia que je découvre, à l'instant, que son nom revêt une signification particulière : "Elijah" signifierait "Mon Dieu est Je Suis"... 

         Félix Mendelssohn, dont la famille d'origine juive s'était convertie au protestantisme, composa deux Oratorios, c'est-à-dire des œuvres de musique sacrée destinées à être exécutées en concert, Paulus et Elias ; et depuis que j'ai découvert le second j'en ai été transportée - particulièrement de sa seconde partie.
         Pourquoi ? À cause du texte bien sûr, qui sur le canevas de l'histoire que l'on connaît est essentiellement constitué de passages des Psaumes, des prophéties d'Isaïe ou de citations de l’Évangile, et se trouve très expressivement mis en valeur par la musique. 

         C'est donc surtout eux que je vais vous présenter...
      Vous pourrez si vous le désirez suivre la totalité ou des extraits du passage évoqué sur youtube ici, et vous reporter au texte intégral avec sa traduction ici.
        Youtube propose également un enregistrement en anglais qui est excellent ici.

     

       NB : Si vous trouvez ce texte trop long, je vous invite à aller lire ici la "Confidence" de Marlène. Elle dit en quatre petits vers ce que je développe sur plusieurs pages...  

     

    Le Prophète Elie- Julius Schnorr von Carolsfeld

     

           Après avoir évoqué dans la première partie de l'Oratorio (qui dure, comme la seconde, plus d'une heure !) les hauts faits du prophète (la résurrection du fils de la veuve de Sarepta, la destruction par le feu d'un holocauste présenté par les adorateurs de Bâal, et enfin le retour miraculeux de la pluie sur une terre désespérément desséchée), Mendelssohn aborde dans la seconde sa relation privilégiée avec Dieu (YHVH - Je Suis).

        

        La seconde partie s'ouvre sur un appel vibrant du Seigneur, représenté par une voix de femme... Le fait, constant dans cette oeuvre, de conférer constamment à Dieu une voix de femme est particulièrement bouleversant. Mendelssohn songe bien sûr à des Anges qui ont toujours des allures plus ou moins féminines ; mais comme vous le verrez les aspects ici doux et délicat (avec une voix élevée) puis plus loin maternel (avec une voix grave) du Divin sont ainsi mis en relief de façon saisissante. Et les anges ne sont-ils pas par essence l'expression même de Celui qui les envoie ?

         J'utilise la traduction évoquée précédemment (ici), mais en l'aménageant suivant mon ressenti ou les répétitions appliquées dans la partition. J'ai voulu conserver entre parenthèses les références signalées au texte biblique (qui bien sûr ne figurent pas dans la musique), et je souligne en italique certains passages que la musique met particulièrement en valeur.

     

        «  Écoute, Israël, écoute la voix du Seigneur ! (d’ap. Dt 6, 4 ; 8, 20) Ah, si tu étais attentif à son commandement ! (Es 48, 18) Mais, qui croit nos prédictions, et à qui le bras du Seigneur s’est-il manifesté ? (Es 53, 1) Écoute, Israël, écoute la voix du Seigneur ! Ah, si tu étais attentif à son commandement ! »

        Ainsi parle le Seigneur, le Rédempteur d’Israël, son Saint, à son serviteur qui est soumis aux tyrans ; ainsi parle le Seigneur. (Es 49,7)

      « Moi, moi, je suis votre consolateur ! (Es 51, 12) Ne faiblis pas, car je suis ton Dieu ! (Es 41, 10) Je te conforte ! Qui es-tu donc pour trembler devant des hommes qui pourtant meurent ? Et pour oublier le Seigneur qui t’a fait, qui a déployé le ciel et bâti la terre. Qui es-tu donc ? (Es 51, 12-13, 22). Moi, moi, je suis votre consolateur ! Ne faiblis pas, car je suis ton Dieu ! Je te conforte ! »

     

         Lui succède un chœur très entraînant qui vous donne un moral d'enfer :

     

      « N’aie pas peur, dit notre Seigneur, n’aie pas peur, je suis avec toi, je t’aide ! Car je suis le Seigneur ton Dieu, qui te dit : n’aie pas peur ! (Es 41, 10.13) Que mille tombent à ton côté et dix mille à ta droite, cela ne t’atteindra pourtant pas ! (Ps 91, 7)

     

            J'adore cette dernière phrase, chantée avec une assurance guerrière.

         Suivent les imprécations de la Reine Jézabel, qui pousse le peuple à retrouver Élie pour le mettre à mort.
       Averti à temps celui-ci s'évade dans désert et se lamente de ne pouvoir convertir le peuple qui cherche à l'assassiner.

     

         «  C’en est assez ! Seigneur maintenant, prends ma vie, je ne suis pas meilleur que mes pères. ( 1R 19, 4) Je ne veux plus vivre car mes jours ont été vains. (d’ap. Jb 7, 16)  J’ai déployé mon zèle pour le Seigneur, le Seigneur de l’Univers, car les enfants d’Israël ont rompu ton alliance, brisé tes autels, et égorgé tes prophètes avec le glaive ; et je suis resté seul, et ils cherchent à me tuer ! C’en est assez ! (1R 19, 4) Seigneur maintenant, prends ma vie... Je ne suis pas meilleur que mes pères. O Seigneur, maintenant prends ma vie ! »(1R 19, 4)

     

       C'est alors qu'il s'endort sous un genévrier et que des anges apparaissent pour le réconforter dans son sommeil. Suit un merveilleux petit chœur que je vous propose d'écouter en vous reportant à la vidéo de youtube (de 24'10 à 27'10), ou si vous le préférez en anglais ici (de 24'25 à 27'30).

     

    Vois, le berger d’Israël ne dort ni ne somnole. (Ps 121, 4) Quand tu évolues parmi les angoisses, Il te réconforte. (Ps. 138, 7).

     

          Un ange réveille alors Élie et l'exhorte à se remettre en route pour un long voyage jusqu'à la montagne de Dieu, le Mont Horeb. Ce dernier proteste à nouveau.

     

        « O Seigneur, je travaille pour rien ! Je donne ma force en vain et inutilement ! (d’ap. Es 49, 4) Ah ! que tu déchires le ciel et descendes ! Que les montagnes s’écroulent devant toi ! Oblige tes ennemis à trembler devant toi en accomplissant des miracles ! (Es 63, 19 ; 64, 1-2) Pourquoi les laisses-tu s’égarer de tes voies et s’assécher le cœur jusqu’à ne plus te craindre ? (d’ap. Es 63, 17) Oh ! Que je meure ! Que je meure ! » (d’ap. 1R 19, 4)

     

        C'est alors que l'ange lui répond de cette voix maternelle que j'évoquais plus haut, dans un air que je reproduis ici à partir d'un microsillon en ma possession, car l'interprétation trouvée sur youtube est très sèche on ne sait pourquoi. Cependant vous pouvez aussi l'écouter dans la version anglaise ici (de 29'30 à 32'30).

     

     

    « Reste silencieux auprès du Seigneur et attends-Le. (Ps 37, 7) Il te donnera ce que ton cœur demande. (Ps 37, 4) Confie-Lui tes chemins et espère en Lui. (Ps 37, 5) Renonce à la colère et à l'aigreur.»(Ps 37, 8)

     

        Et en effet Dieu va venir rencontrer Élie... À sa plainte enfantine, l'ange répond avec compassion.

     

    Élie
      « Seigneur, la nuit tombe autour de moi, ne reste pas éloigné ! 
    (Ps 22, 12-20) Ne me dissimule pas ta face... (Ps 27, 9) Mon âme a soif de toi comme une terre desséchée. » (Ps 63, 2)

     L’ange
         «  Allez, sors et monte sur la montagne devant le Seigneur, 
    (1R 19, 11) car sa magnificence paraît au-dessus de toi ! (Es 60, 1) Voile ta face, car le Seigneur approche. »(d’ap. Ez 12, 6).

     

        Suit un passage fabuleux qui évoque "le passage du Seigneur", chanté par le chœur.

     

    Le Seigneur passa ; et un vent fort qui déchirait les montagnes et brisait les rochers précéda le Seigneur ! (d’ap. 1R 19, 11-12) 
    Mais le Seigneur n’était pas dans le vent de tempête.
     Le Seigneur passa ; et la terre trembla, et la mer mugit !
    Mais le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre.
    Et après le tremblement de terre vint un feu !
    Mais le Seigneur n’était pas dans le feu.

    Et après le feu vint un calme, un délicieux bruissement...
    ...Et dans le bruissement s’approchait le Seigneur.

     

         Revigoré, Élie devient alors une torche vivante à travers le monde, puis est emporté hors du monde dans ce qui ressemble à un "char de feu" (chanté par le chœur, ici de 48'10 à 51'10).

     

     Et le Prophète Élie jaillit comme un feu,
    et sa parole brûla comme une torche.
    Il a renversé d’orgueilleux rois.
    (2R 1, 10)
    Il a entendu sur le Mont Sinaï le futur châtiment,
    sur l’Horeb la vengeance.
    (d'ap. Ml 3, 22)
    Et lorsque le Seigneur voulut l’emporter vers le ciel,
    regarde, là arriva un chariot de feu avec des chevaux de feu,
    et dans l’orage il monta au ciel.
    (2R 2, 11)

     

        Ce passage fulgurant m'a inspiré il y a quelques années un dessin que je vous invite à  voir ici.

          Je terminerai sur ce texte radieux chanté par le ténor, extrait en ce qui concerne sa première phrase de l'Évangile selon Matthieu (parole de Jésus). La suite est librement inspirée d'Isaïe (écoutez-le à partir de 51'10 ; il s'enchaîne directement au chœur précédent).

     

       « Alors les Justes resplendiront comme le soleil dans le Royaume de leur Père ! (Mt 13, 43) Bonheurs et joies les saisiront. Mais peines et souffrances s’éloigneront d’eux. » (Es 53, 10)

      

    La Transfiguration de Jésus

       

         PS : Pour ceux que la découverte d'Elias intéresserait, je conseille particulièrement l'exécution en concert du 27 juin 2014 en la Basilique Saint-Denis sur youtube ici ; chaque partie faisant 1h05, la seconde commence exactement à 1h05 du début. Cette interprétation est remarquable.

     

     


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  •    Me revient aujourd'hui cette fin sublime du chef d'oeuvre de Romain Rolland, Jean-Christophe.
          C'est en simple lectrice naïve que je l'ai découverte dans la bibliothèque de mes parents à l'adolescence, horrifiée par la lecture du "Buisson Ardent" dont je ne comprenais pas le détournement : comment ce feu qui ne brûle pas, témoin de la Présence de Dieu, peut-il devenir dans ce livre l'incendie ravageur de la passion humaine ? 

     

          La fin par contre me plaisait beaucoup. Moi qui ai baigné dans la musique toute ma vie et partiellement aussi dans la culture allemande, ce musicien dont la fin résonne en écho du puissant poème symphonique de Richard Strauss Mort et Transfiguration, me ressemblait comme un frère - d'autant plus qu'il portait le prénom de mon véritable frère ! (mes parents n'avaient-ils pas eu une petite idée en tête ?)

        On comprendra d'autant mieux si l'on sait que, de même que Romain Rolland et Richard Strauss étaient les meilleurs amis, de même, ils étaient tout deux marqués par leur rencontre avec les philosophies de l'Inde, et notamment l'enseignement de Ramakrishna et de Vivekananda. Romain Rolland avait par ailleurs contribué à faire connaître Gandhi par une publication le concernant en 1924 (voir Wikipedia).

     

    *  *  *  

     

    StChristophe par Lucas Cranach

      

         Saint Christophe a traversé le fleuve. Toute la nuit, il a marché contre le courant. Comme un rocher, son corps aux membres athlétiques émerge au-dessus des eaux. Sur son épaule gauche est l’Enfant, frêle et lourd. Saint Christophe s’appuie sur un pin arraché, qui ploie. Son échine aussi ploie. Ceux qui l’ont vu partir ont dit qu’il n’arriverait point. Et l’ont suivi longtemps leurs railleries et leurs rires. Puis, la nuit est tombée, et ils se sont lassés. À présent, Christophe est trop loin pour que les cris l’atteignent de ceux restés là-bas. Dans le bruit du torrent, il n’entend que la voix tranquille de l’Enfant, qui tient de son petit poing une mèche crépue sur le front du géant, et qui répète :

        « Marche ! »

         – Il marche, le dos courbé, les yeux, droit devant lui, fixés sur la rive obscure, dont les escarpements commencent à blanchir. Soudain, l’angélus tinte, et le troupeau des cloches s’éveille en bondissant. Voici l’aurore nouvelle ! Derrière la falaise, qui dresse sa noire façade, le soleil invisible monte dans un ciel d’or. Christophe, près de tomber, touche enfin à la rive. Et il dit à l’Enfant :

        – Nous voici arrivés ! Comme tu étais lourd ! Enfant, qui donc es-tu ?

        Et l’Enfant dit :

           – Je suis le Jour qui va naître.

     

    FIN

     

        Le mot "FIN" ne doit pas être oublié. Il fait partie du texte.

     

    Aurore

     

     


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