Au sommet d’un rocher sauvage et effrayant
Tendant son front hautain vers le ciel rayonnant,
Sur le roc dénudé, solitaire et aride,
Près d’un profond ravin, dans la chaleur torride,
Seule sur le sol dur est couchée une enfant.
On croirait qu’elle dort, là, sans un mouvement.
Ses voiles dénoués, sa coiffure défaite,
Sa pose abandonnée et sa beauté parfaite
Font qu’on pourrait penser rencontrer devant soi
Sommeillant au soleil, une nymphe des bois.
Cependant par instants elle exhale une plainte :
Elle semble avoir eu une très grande crainte ;
Un doux gémissement comme un oiseau qui meurt
Jaillit de sa poitrine, et ses yeux sont en pleurs ;
Son souffle est oppressé, sa poitrine haletante,
Elle est toute perdue et toute sanglotante.
Elle est seule, et pourtant elle n’ose crier ;
Elle tremble de peur, et n’ose supplier
Les dieux de la sauver ; pourquoi cette détresse,
Alors que le sentier poudreux de sécheresse
Qu’empruntent les mulets, descend non loin de là
Les flancs de la montagne, et conduit aux villas ?
Mais elle ne veut pas regarder vers la plaine
Qui s’étend à ses pieds si paisible et sereine ;
Devant elle elle voit le précipice affreux,
Et son âme égarée – on le voit dans ses yeux –
Ne pense qu’à la mort ; c’est ainsi l’exigence
D’une divinité, et dans son innocence,
Sans un mot, elle a fait selon sa volonté,
Acceptant un destin aussi peu mérité ;
Ses parents éperdus, une foule attristée
L’avaient menée ici, où ils l’avaient quittée :
Là-haut, sans avoir plus la force d’espérer,
Elle attend qu’un dragon vienne la dévorer…
Elle ne pense plus à la douleur amère
Dont meurent à présent et son père et sa mère ;
Elle ne pense plus à son bonheur perdu,
A l’amour idéal qu’elle avait attendu ;
Elle ne connaît plus sa beauté ni ses charmes :
Pour elle rien n’est plus que son deuil et ses larmes.
En victime héroïque, elle s’offre à la mort,
Et elle attend le monstre en pleurant sur son sort.
Mais à force d’attendre, accablée et brisée
De fatigue et d’effroi, ses larmes épuisées,
Elle s’est endormie au soleil du matin,
Et de doux songes ont étouffé son chagrin.
Écoutez ici la musique
composée par César Franck
(1ère partie)