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La fleur et la prison
Dans ma jeunesse j'entendais souvent mon père, romantique invétéré, entonner l'air de Don José dans Carmen :La fleur que tu m'avais jetée
Dans ma prison était restée...
* * *
Ce matin, alors que je méditais, mon Maître m'a donné une fleur.Elle m'a inspiré cette histoire.
Il était une fois dans un temps très lointain, dans un pays très lointain, un enfant qui se réveilla un matin dans le noir.
Autour de lui tout était noir. Avançant les bras il ne trouvait que ténèbres ; sous ses pieds il ne sentait que ténèbres ; autour de son visage il ne respirait que ténèbres...
Saisi de peur, il pleura.
Il sentit alors quelque chose chuter légèrement à ses pieds. Alerté par le bruissement très doux que cela produisit il baissa les yeux et fut tout surpris d'apercevoir une lumière, une douce et subtile lumière qui se dégageait d'une jolie fleur rosée délicatement parfumée.
À la lueur créée il put alors découvrir avec étonnement qu'il était debout sur une terre humide, et que la fleur s'y était aussitôt enracinée.
Il la regarda avec bonheur : quelle douce lumière ! Quelle merveilleuse couleur diaprée ! Quel réconfort elle lui procurait soudain !
Il arrangea la terre qui se trouvait autour de manière à s'asseoir devant elle pour la contempler, tandis qu'il lui laissait un maximum d'eau pour sa subsistance... en effet elle semblait apprécier particulièrement le marécage où elle s'était nichée.
Petit à petit la lumière s'accroissait tandis que sous ses yeux la fleur grandissait imperceptiblement.
Et c'est ainsi qu'il aperçut peu à peu les contours de son univers. Il était prisonnier ! Ses yeux écarquillés dans l'obscurité percevaient maintenant des murs de pierre : des murs lisses de tous côtés et même par dessus lui, sans la moindre ouverture.
Il était dans un cachot ! Peut-être même dans un tombeau !
Aucune trace de vie ne subsistait dans ces ténèbres implacables, dans ce silence absolu, si ce n'est cette fleur miraculeusement tombée qui répandait sa grâce inlassablement, l'éclairant, l'abreuvant, le nourrissant lui semblait-il à chaque instant.
Alors, il ne cessa plus de la regarder. Elle le rassurait et brillait si fort qu'il lui semblait qu'elle seule existait dans la pièce, comme si lui-même n'était même plus là. Et le plus intéressant, c'est que non seulement elle continuait de pétiller sa clarté magique, mais en plus elle grandissait. Elle grandissait !...
Par moments il s'assoupissait, bercé par sa douce chaleur. Et quand il s'éveillait, elle avait encore grandi. La lumière émanant de son cœur était devenue un puissant rayonnement miroitant comme l'éclat de l'or. Ses fulgurations éclaboussaient les murs, semblant en ébranler la substance qui se floutait misérablement.
Un jour, il la découvrit plus grande que lui. Non pas plus haute sur sa tige, mais gigantesque, magnifique avec son cœur flamboyant et ses fins pétales comme une maison de nacre prodigieusement ouverte devant lui, glorieusement épanouie, odorante et jaillissante comme une symphonie.Ce jour-là il éclata de rire. Il n'avait encore jamais ri comme cela !
Il se sentait plus fort. Il se sentait plus grand. Il n'avait plus peur de rien. Il se savait immensément protégé.
Il sentait que de cette fleur émanait une puissance incommensurable, contre laquelle rien ne pourrait lutter, pas même ces murs qui sous l'effet des radiations commençaient à s'estomper piteusement, inexorablement.
Mais oui, il les voyait s'effacer, s'effondrer sur eux-mêmes comme un château de sable que la mer envahit !
Et il voyait la Fleur immense traverser le plafond comme on traverse une ombre entre deux rais de lumière.
Il voyait qu'il n'y avait jamais eu ni prison, ni ténèbres et que cela n'avait été qu'un rêve, un simple nuage dans sa conscience.
... Il voyait enfin que la Fleur l'avait pris lui-même dans son embrasement et qu'il s'y était perdu, absorbé au centre même de la Lumière.* * *
Pour conclure par rapport à l'introduction et en relation avec l'article précédent : est-t-il utile de savoir qui a jeté la fleur ? La personne imaginée ne faisait-elle pas partie du rêve ? Existe-t-elle encore ?...
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Commentaires
merci pour ce conte qui comme tout conte va plus loin que son histoire. Je ne m'étais même pas posée la question de qui lui avait envoyé la fleur. Juste qu'elle était là, le nourrissait et se nourrissait aussi de lui. Il n'était plus seul. Juste ça. Plus seul. Bises
Tu avais bien compris, Durgalola. Lui, en fait, il est dans le noir, puis il n'y est plus, c'est tout.
Merci Aloysia pour cette belle reflexion. Je me souviens encore de mon père qui chantonnait aussi cette chanson !!! Gros bisous
Le questionnement n'est pas de savoir qui a jeté la fleur, mais l'impact de la fleur sur la personne, qui lui a ouvert les yeux, l'a fait sortir de ses ténèbres, pour prendre conscience que la lumière existe avec ses petits bonheurs. Bonne soirée bisous
Oui je veux dire quand tu vois la lumière et qu'elle t'imprègne, ça change la vie, tu sors des ténèbres, et cette lumière se fait "bonheur" (bonheur comme source d'oxygène), c'est ce mot "bonheur" qui ne te convient pas ? (quand tu émerges des ténèbres et que soudain tu vois la lumière, tu la sens, tu revis, c'est très fort)
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Merci de ton passage chez moi et chez toi. Je passe tard...mais je reviendrai te lire. Merci de ta présence sur les blogs. C'est ta photo ? elle est belle. Bisous nani