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Hommage à Jacqueline de Romilly
« Oúτoι σuνεχθειν, αλλà συμφιλεîν εφυν »
(prononcez "outoï sunechteïn, alla sümfileïn éfün")
Un peu écorché, car l'interface de ce blog ne me permet pas le graphisme grec dans son ensemble, voici le vers que Sophocle, vers l'an 441 avant Jésus-Christ, met dans la bouche de son héroïne Antigone, dans la tragédie qui porte son nom ; et en voici la traduction approximative :
« Je ne suis pas née pour partager la haine, mais pour partager l'amour. »
J'ai écrit "partager", à cause du préfixe employé "sun" (ou "sum") qui a donné notre français "syn" (celui de sympathie ou de synchronisation), et qui signifie "avec" ; mais on aurait pu tout aussi bien écrire :
« Je ne suis pas née pour la haine, mais pour l'amour. »
C'est là l'extraordinaire modernité de la pensée grecque ; ou plutôt sa pérennité, le miroir dans lequel nous nous retrouvons et qui anima toute sa vie Jacqueline de Romilly.
Cette femme extraordinaire, j'ai eu la chance d'être reçue par elle à son domicile personnel en 1971, alors que je cherchais un directeur de maîtrise pour travailler sur la poésie grecque. Elle possédait cette solennité qui, dans son visage déjà marqué, m'évoqua irrésistiblement la tragédie antique, en même temps qu'une cordialité, une empathie entraînant tout autant à la suivre, à l'écouter.
Elle montrait ainsi toutes les qualités que l'on recherche aujourd'hui en évoquant les "maîtres": ces maîtres à la japonaise qui dans les romans de fantasy vous apportent la force, la sagesse, l'expérience, la clé de la vie... Elle était, dans son domaine, ce que Mère Teresa ou Françoise Dolto furent dans le leur : un modèle vivant.
Et si elle ne m'a pas suivie dans mon travail de recherche, m'envoyant vers l'Université de Rennes puisque je désirais étudier Sappho (les spécialistes s'y trouvaient), elle m'a du moins transportée dans le rêve à travers la lecture de son livre de confidences : "Sur les chemins de Sainte Victoire" (souvenirs de ses promenades autour d'Aix-en-Provence).
Car si j'aime le grec ancien, c'est pour en vivre l'esprit et la pensée dans l'ici-et-maintenant, exactement comme elle le montre elle aussi, à travers cet ouvrage.
Sur cette couverture vous ne voyez pas la mention "de l'Académie Française" car je l'ai acheté en 1987 lors de sa parution.
Je vous en offre la couverture dos, afin que vous puissiez (en agrandissant l'image) en lire par vous-mêmes quelques lignes et apprécier la douceur, la sensibilité de cet esprit par ailleurs si puissant, si fort et qui, à l'instar de Victor Hugo, traversa notre vingtième siècle tel une flèche jusqu'à le dépasser.
Chez les auteurs grecs - chez Sappho notamment - j'aimais à me plonger dans ces paysages dont je buvais l'haleine et m'emplissais des couleurs, sans que rien ne semble en eux différent de ce que l'on peut connaître aujourd'hui, pour peu que l'on puisse s'abstraire de la cohue du monde (voir ici).
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Commentaires
1tilkMercredi 22 Décembre 2010 à 12:00il y a bcp de culture et de langues qui disparaissent la mondialisation c'est aussi l'uniformisation besos tilkRépondre
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