Voici un poème que j'ai écrit en écoutant une œuvre pour violon et orchestre d'Ernest Chausson, intitulée précisément "Poème". Dans cette magnifique page, le violon semble s'avancer devant l'orchestre qui lui fait écho, et se lance dans une longue déclamation, d'abord paisible, puis véhémente, déchirante, avant de retomber dans le calme de l'acceptation. Chausson, comme ses contemporains Vincent d'Indy ou Guy Ropartz, voulait adapter le style wagnérien à la tradition française, et a souvent puisé l'inspiration dans la légende arthurienne - notamment avec son drame lyrique "le Roi Arthus" et son poème symphonique "Viviane". C'est ce qui motive mon allusion à Merlin l'enchanteur.
Il est seul Ses ailes pliées contre son cœur Il est seul et s’agenouille Comme l’ange devant Marie
Il est triste Et plus il est triste et plus il est vibrant Plus se fait pénétrante la musique de son âme La musique du désert
Sa nuque est si fragile Qu’il n’y passe que ses cordes vocales Sa poitrine si émouvante Qu’il s’y ouvre deux larges blessures
Mais il est si sensible Si doux comme une jeune fille Que dès qu’on l’a touché Il s’embrase d’amour
Il éveille le désir Et le désarme aussitôt Le métamorphosant En détresse adorante
O violon inviolé Prisonnier de l’archer qui t’effleure Mais ne te blesse point Tu es Merlin en son rempart
Aime et pleure d’aimer La forêt t’accompagne Et l’immense tristesse des arbres Jusqu’en l’éternité
Voici en illustration musicale le début du "Poème" de Chausson, interprété par Augustin Dumay et l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo sous la direction de Manuel Rosenthal