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Toukârâm (1)

 

Toukârâm-Psaumes du Pèlerin

 

         Quel enchantement, d'avoir découvert les "Psaumes du Pèlerin" de Toukârâm, ce mystique indien du XVIIe siècle ! Publiés d'abord en 1956 je ne les savais pas réédités par Gallimard, pas plus que je ne connaissais vraiment ce saint qui, appelé par Dieu malgré tous les vents contraires (il était d'une caste de pauvres marchands où toute accession à la vie spirituelle était exclue), le chante d'une manière étonnamment proche de notre sensibilité chrétienne - malgré la seule différence des noms qu'il lui donne : Vithôba, Viththal ou encore Narayana, appellations locales de Vishnou, l'aspect "Amour" de la Trinité hindoue.

     Né à Pandharpour dans le Maharashtra, ville située au sud-est de Bombay où ont lieu aujourd'hui de nombreux pèlerinages en son honneur, il était illettré et afin de s'instruire apprit par cœur une immense quantité de textes fondateurs de la mystique indienne, jusqu'à écrire à son tour ou plutôt dicter à des disciples conquis ses propres enseignements. Ce comportement déchaîna la colère des brahmanes à qui revenait le rôle officiel d'enseigner, si bien qu'ils l'obligèrent à  jeter tous ses cahiers dans le fleuve Indrayani ; en larmes, il s'exécuta, mais se mit en prière et demeura devant le fleuve treize jours, au bout desquels dit-on les cahiers réapparurent intacts.

 

Toukârâm- représentation classique du saint avec Vishnou derrière lui.

 
       À la manière de Kabîr dont il se serait inspiré et que j'ai déjà cité souvent (par exemple ici), il termine ses poèmes par "Toukâ dit...", amenant une sorte de sentence finale qui rappelle la "morale" des fables de La Fontaine. Notons à cette occasion que la terminaison "râm" semble avoir été ajoutée à son prénom en relation avec sa dévotion pour Râma, incarnation de Vishnou.

       Par ailleurs, son style peut surprendre par son côté elliptique. Comme le sanskrit ou le grec ancien, la langue marathe qu'il utilise était sans doute beaucoup plus structurée que les langues contemporaines, permettant des raccourcis puissants que le traducteur peine à retranscrire. On remarque en tous cas une grande vigueur dans les termes employés qui  font présumer chez leur auteur d'un caractère particulièrement énergique.

        Quel poème citer ?

      Peut-être y reviendrai-je plusieurs fois comme je l'ai déjà fait pour Kabîr. Mais comme j'évoquais ici la proximité de son langage avec la sensibilité chrétienne, en voici un exemple, destiné également à rassurer  ceux qui s'imaginent que se vouer à Dieu c'est fuir le monde.

 

Notre monde est noué à Dieu :
son amour y enchevêtre tout.


Les fibres d'une corde qu'on tend
s'unissent plus encore.


Ne crache pas sur ce monde-ci,
vois comme ton âme se mêle aux autres âmes !


Leurs joies, leurs peines s'impriment dans ton cœur,
les tiennes dans le leur, selon la même loi.


Le regard ainsi simplifié, dit Toukâ,
ton visage rayonnera sur tous.


Toukârâm, Psaumes du Pèlerin, LXXX

 

Vishnou

 

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