Entraînée vers la poésie latine à l'occasion d'un départ en retraite, j'ai retrouvé une traduction en vers d'une ode d'Horace que j'avais composée alors que j'étais en classe de seconde.
Mon texte, inspiré surtout des notes prises pendant le cours, s'éloigne parfois de l'intention initiale du poète latin, mais je ne résiste pas au plaisir de vous la faire partager, tout en vous indiquant en regard l'excellente traduction versifiée du Comte Ulysse de Séguier (qui date de 1883), et la traduction parfaitement fidèle (mais non versifiée) de Leconte de Lisle.
Comme le fit sa contemporaine Renée Vivien dans son adaptation des vers de Sappho (et justement Horace applique ici les règles de versification créées par la célèbre poétesse grecque et son ami le poète Alcée), Ulysse de Séguier s'efforce de rendre les rythmes d'origine, en utilisant deux vers de 11 syllabes, puis un de 9, et un de 10, pour obtenir ce qu'on a appelé "la strophe alcaïque", devenue avec la "strophe saphique" la préférée des poètes lyriques latins (voir ici, et la catégorie que j'ai consacrée à Renée Vivien plus en particulier).
Notez aussi que l'ami du poète, "Postumus", se prénomme ainsi parce qu'il est "le dernier" de sa famille, comme c'était l'habitude chez les romains, le premier se nommant "Primus", le second "Secundus", et plus couramment le cinquième "Quintus" et le huitième "Octavus" : il n'a donc aucun rapport avec l'adjectif français "posthume", et ne prend pas de "h" comme on le voit parfois par erreur.

Portrait d'Horace, levant son verre à l'occasion d'un banquet
Il s'agit de l'Ode n°14 du livre 2,
surnommée couramment "Mélancolie"
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Las ! Postumus, les ans glissent, s'échappent,
Et la piété ne retardera pas
Notre vieillesse en pleurs qui nous rattrape
Avec la ride et l'odieux trépas.
Quand chaque jour, ami, de tes étables,
Tu offrirais trois cents beaux taurillons
Au grand Pluton, ce dieu impitoyable
Qui tient Tytios et le triple Géryon
Emprisonnés dans l'eau noire et amère,
Il ne faudra pas moins tous la passer,
Quelque travail que nous fassions sur terre,
Du roi puissant au plus humble berger.
En vain, de Mars évitons-nous les guerres
Et de la mer les grands flots déchaînés,
En vain, l'automne, essayons-nous de faire
Obstacle au vent nuisible à la santé.
Il faudra voir le Cocyte aux eaux lentes,
Ce fleuve noir, et du roi Danaüs
La race infâme et la peine accablante
Dont est puni l'orgueilleux Sisyphus ;
Quitter sa terre et une épouse chère ;
Et du verger que tu as cultivé,
Seul te suivra, toi son maître éphémère,
Le noir cyprès, funeste et détesté !
Un héritier répandra, moins timide,
Ton Cécubus conservé sous cent clés
Et baignera ton blanc dallage humide
D'un vin plus pur qu'aux plus beaux des banquets.
Adaptation en vers de Martine Maillard
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