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Le Socle et la Roue


    Pour faire suite à cette méditation sur la mort qu'illustrait le poème précédent ainsi qu'à la phrase de Ramana Maharshi concernant le Silence, voici quelques éléments glanés ici et là.

 

  Tout d'abord, il faut rappeler que le Maharshi  associe le corps à l'ego : tout ce qui correspond à notre personnalité consciente est rattaché dans notre esprit à notre existence en tant qu'êtres incarnés ; nous disons "je" depuis que nous nous identifions à cet individu qu'ont défini en nous nos parents et il nous semble qu'avec la disparition de ce corps disparaîtra également le "je" qui lui est associé - c'est-à-dire notre ego.

      Pourtant ce grand saint, qui a fait très jeune une étrange expérience de la mort, affirme que celle-ci est un leurre et que l'esprit ne cesse pas de vivre, ce qui lui a donné l'intime certitude qu'en réalité nous ne sommes pas ce corps que nous habitons momentanément. On pourrait donc écrire (ça rime) : 

  Quand le "je" meurt
  Le Soi demeure

       En effet ce n'est plus le même "je" qui est ressenti alors. Il n'est plus limité mais s'étend à l'infini et devient cette entité que l'on a coutume d'appeler "Soi".

      Le Soi dépasse infiniment le corps qui, puisqu'il n'est qu'une sorte de marionnette activée pendant un certain temps, peut être considéré comme une chose inerte que le Soi utilise quand il le souhaite. Cela explique que le Silence soit plus puissant que la parole, puisque parler c'est utiliser les outils de la marionnette afin d'exprimer ce qui lui est supérieur.

       Voici donc une autre phrase du Maharshi qui me plaît beaucoup. Il répondait alors à une question assez prosaïque posée par l'un de ses visiteurs sur l'opportunité de se soumettre aux coutumes rituelles locales : "Est-il nécessaire de prendre un bain après avoir touché un cadavre ?"

«   Le corps est un cadavre. Tant qu'on est en contact avec lui, on doit se baigner dans les eaux du Soi. »

      Comme il le rappelle souvent, le terme de "Soi" recouvre tous les vocables que nous avons pu inventer pour nommer le Divin, qu'il s'agisse de religion ou de simple transcendance .  

     Mais comment trouver le Soi ?... Chacun le sait bien sûr : en pénétrant en soi-même ; mais si loin qu'il faut dépasser sa propre mort, puisqu'il faut dépasser l'ego, ce qui n'est pas une mince affaire.

      Dépasser sa propre mort, c'est dépasser le mouvement : la vie incarnée est faite de mobilité. Traverser la mort c'est atteindre l'immobilité autant qu'entrer dans le Silence ; c'est trouver le Repos, c'est-à-dire à la Paix.

     Ainsi le Maharshi explique-t-il constamment à ceux qui l'interrogent que chaque jour ils font l'expérience du Soi durant leur sommeil : ils n'ont alors ni conscience du monde, ni conscience d'eux-mêmes ; plus d'ego, seule demeure la suprême Félicité. Le but serait donc de parvenir à un état de sommeil éveillé : ce qu'on appelle l'éveil ! Dormir en restant conscient, peut-être ; ou à l'inverse continuer à vivre sa vie sans avoir la conscience d'agir, le mouvement étant impulsé par un "Pouvoir" qui nous dépasse (ce que le chrétiens ont très bien traduit par l'expression : "être un instrument dans les mains de Dieu").

      Je fis justement ce matin en me promenant dans la campagne une étrange rencontre... Ces grandes éoliennes au bruit si doux, si feutré, fièrement plantées comme des socles immuables dans la terre, et dont les pales imperceptiblement tournaient, lentement, régulièrement, sans qu'aucun mouvement cependant ne paraisse. N'étaient-elles pas l'image même du "mouvement immuable" ? Tout comme la statue du Shiva Natarajah, du Dieu de la Création et de la Destruction immobile et pourtant dansant dans la roue de la Vie, ainsi l'immense pilier montant vers le ciel laissait deviner en bruissant toute la vie qui le traversait, sans pour autant trahir le moindre remous.

 

 

      De plus, quand j'écoutai ma vidéo je découvris que le vent que je sentais simplement à ma joue avait été transformé par l'appareil en un bruit profond surgissant du micro : n'est-ce pas là un indice évident du mélange indistinct des perceptions sensibles ? Quelle différence y a-t-il en  vérité entre voir, entendre, sentir ? Sur la gamme des ondes c'est juste une question de fréquence. Tout ceci n'était encore que la danse immobile du Dieu immanent, une simple traduction momentanée de son Silence resplendissant, de son Rayonnement limpide.

       

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