Voici un charmant poème d'Anacréon (Poète Grec du VIe siècle av. JC), que j'ai traduit étant élève, à 16 ans en classe de première. Il s'agit d'une adaptation en vers réguliers et rimés, reproduisant le plus fidèlement possible le style du modèle. Ronsard a fait également une adaptation de ce poème dans ses Odes (II, 19), et vous en trouverez une belle traduction de Leconte de Lisle ici (Ode n°III)
Vers l’heure de minuit, un jour,
Alors que l’Ourse fait son tour
Par la main du Bouvier guidée,
Et que la race fatiguée
Des mortels dort profondément,
Tout à coup Eros, m’éveillant,
Frappa le heurtoir de ma porte.
« Qui, dis-je, frappe de la sorte,
Chassant mes rêves sans douceur ? »
Mais il me dit : « Ne prends pas peur ;
Je suis un enfant, ouvre vite,
Qu’en ta demeure je m’abrite !
Dans la nuit noire j’ai erré,
Je suis trempé. » Je m’éclairai,
Émue au son de sa prière,
Et lui ouvris : à la lumière
M’apparut un petit enfant
Tout blond et délicat, portant
Un arc, des ailes et des flèches.
Je le guidai pour qu’il se sèche
Devant mon feu, et de mes mains
Lui épongeai ses cheveux fins,
Le frictionnai ; lorsque la pluie
Fut toute de son corps enfuie
Et qu’il fut réchauffé, soudain,
Il dit d’un petit air malin :
« Je veux essayer cet arc, donne :
La corde en est-elle encor bonne
Malgré l’averse de ce soir ?
Je vais le tendre un peu pour voir. »
L’arc se tendit, la flèche fine
Vola tout droit en ma poitrine
Et m’y causa un mal cuisant.
Mais lui bondissait en riant :
« Ah ! Le bon tour ! Je t’ai bien eue,
Ma flèche en ton cœur est venue !
Ma corde a l’air en bon état,
Mais c’est toi qui en souffriras ! »