Étroite rue montante
En pavés inégaux
Vers une cathédrale
Et je bascule hors temps
Je l'emprunte et voici
La maison du luthier
Des odeurs de vernis
Emplissent mes narines
Le tablier jauni
Les cheveux en bataille
L'artisan me sourit
Dans l'atelier obscur éclairé d'une lampe
Au chaud miroitement
Des crins d'archets y pendent
Et des formes galbées attendant l'assemblage
Reposent dans les coins
De hautes contrebasses
Un violoncelle ambré dépouillé de ses cordes
Et l'odeur de la colle ou de la colophane
Et celle des vernis qui imprègnent le bois
Pénétrantes et douceâtres
M'enveloppent et me grisent
Les larges établis couverts de vieux outils
Et les petits violons
Qui pendent au plafond
Tout me fait chavirer
Une antique fenêtre ouvre sur une cour
Pavée de pierres grises
Entre des murs austères
Et soudain retentit le son grave et pensif
D'une cloche tout près
La cathédrale est là puissante et protectrice
Je suis au moyen âge
Dans un cocon de rêve
Très loin avant les temps
Que l'on prétend « modernes » et qui ne sont qu'éteints
Au tréfonds d'un passé où dans le cœur des villes
Lorsqu'on gravit les rues
Juste en dessous de Dieu qui règne dans la pierre
Il y a l'Instrument qui vibre dans le bois
Afin de Le chanter.
Nota : ce poème s'inspire de la boutique de Jacky Gonthier située rue Bourbonnoux à Bourges, mais aussi de deux autres boutiques de luthiers que j'ai visitées, l'une à Orléans juste en montant vers la cathédrale, et l'autre à Tours, non loin de celle-ci.
Ce qui rend les instruments à cordes si attachants, c'est qu'il y a un contact charnel et sensible avec l'instrument dans son dépouillement et sa fabrication. On les fabrique comme des poupées, on les habille, on les pare... Et cet art qui tient de la magie se plaît en compagnie des vieilles pierres et de la spiritualité.