• Saisir, lâcher

     
          Quand on est engagé dans une voie méditative, tout peut devenir matière à enseignement. Le Maître est partout, il vous enseigne à travers n'importe quelle expérience. Il vous surprend par tel évènement inattendu, attendant malicieusement votre réaction ; et quand le cœur est bien ouvert, il vous parle à travers toutes circonstances.


            Ce matin, c'est ma nouvelle activité de "marche nordique" qui m'a encore une fois fourni matière à réflexion... En effet le sport est particulièrement indiqué pour stopper le mental et pourquoi pas, offrir une ouverture.

          N'ayant pas pris de photo, en voici une datant de mai 2006 (pour l'article publié ici) qui donne une idée de l'environnement dans lequel nous nous trouvions quoique la saison soit un peu différente.

     

    Issoudun, la rivière forcée


           Comme je l'avais fait remarquer la dernière fois, la particularité de cet exercice est que les bâtons doivent être utilisés en oblique, uniquement pour se propulser - et non pour s'appuyer dessus. Lorsqu'on avance un bras simultanément à la jambe opposée le bâton forme un angle d'environ 45° avec le sol de façon à ce qu'on en enfonce la pique au milieu de l'enjambée tandis que la main qui le tient est bien en avant du corps, et ensuite on le pousse vers l'arrière ce qui oblige à ouvrir la main et donc à le lâcher momentanément : c'est pourquoi il est nécessaire de l'attacher au poignet, bien haut et bien serré, pour pouvoir le ressaisir aussitôt. Le mouvement des bras est un simple balancier, coordonné avec celui des jambes. Et grâce à la petite pluie faible mais persistante qui apportait son humidité au bord de la rivière que nous suivions, les bâtons se fichaient sans peine dans le sol ce qui m'a permis d'affiner mon mouvement.

          Il était bien sûr important de travailler dans la souplesse et non de se focaliser sur "je dois faire ceci, je dois faire cela" - comme lorsqu'on médite - et le mouvement doit se couler de soi-même, se faire seul - de même que la méditation doit devenir un "état naturel méditatif"... Peut-être un souvenir de mon apprentissage du piano ? Je m'exerçai d'abord "mains séparées" : laissant traîner le bâton gauche je fis fonctionner ma main droite - "saisir" en tirant, "lâcher" en poussant, "saisir" en tirant, "lâcher" en poussant. Puis je fis l'inverse avec le bâton gauche en laissant libre le droit.

         C'est ainsi que petit à petit s'est installée dans mon esprit cette musique, ce rythme - ce mantra dirais-je presque :

    Saisir, lâcher, saisir, lâcher, saisir, lâcher, saisir, lâcher, saisir, lâcher ...

        Au rythme des pas cela devient entêtant et toutes les pensées s'effacent... sauf lorsque soudain m'apparaît la signification du symbole.

         C'est le rythme même de la vie ! La pulsation du cœur ! L'alternance du souffle !

    Les Moires


          C'est la réalité fondamentale de la Vie, ce mouvement qui donne naissance puis mort, qui crée puis défait à chaque instant - le mouvement des Moires, des Parques, des Nornes qui filent la destinée humaine dans les mythologies grecque, romaine et nordique, ou celui de Shiva qui fait tout apparaître et disparaître à chaque instant !

            Et lorsque j'ai remis les deux mains ensemble, quelle harmonie... Tandis que l'une saisissait l'autre lâchait et vice versa, sans cesse ; si bien qu'en scandant mon pas comme précédemment, je pouvais dire "saisir" alors que je lâchais en même temps, et "lâcher" alors que je saisissais en même temps. Tout se faisait ensemble dans un grand ballet circulaire : la vie, la mort, le début, la fin, la création, la destruction...

          Ne sommes-nous pas juste posés dans ce flux de la Vie comme des verrières  perméables pour juste voir, sentir, goûter, entendre ce qui nous traverse, ce qui passe sans cesse, encore et encore, sans jamais rien retenir ! "Saisir" c'est juste ce mouvement de perception immédiat ; "lâcher" c'est l'abandon, la reconnaissance que rien n'est mien, rien ne m'appartient, tout est rendu à la Source qui inlassablement, pulse la Vie.

            Un moment de grâce dont la fraîcheur régénère.

     

    Grâce

     

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  • Commentaires

    1
    blandine
    Jeudi 13 Octobre 2016 à 18:42

    Ayant marcher souvent dans les chemins de campagne, étant jeune, je comprend ce que tu expliques. Mais moi je ne peux pas le dire comme toi, je le fais automatiquement. Et tout le long du chemin, quelqu'un d'autre ne verrait que des arbres ou des buissons, moi je vois toutes sortes de plantes  ou des oiseaux qui s'échappent de leur nid,ou une fleur jaune, rouge, mauve,  et je ne pense plus à mes pas. Mon chemin est peuplé d'idées et mes pas me conduisent. Suis-je sur le même chemin que toi ?  bisesxxx

      • Jeudi 13 Octobre 2016 à 19:01

        Chaque chemin est différent car chaque chemin se colore de nos propres perceptions... Mais comment ne pas ressentir que nous sommes toutes proches, car faites de la même glaise, qui perçoit en tout la beauté ? Oui, ton chemin est proche du mien et même je te tiens par la main, chère Blandine.

    2
    gazou
    Jeudi 13 Octobre 2016 à 19:04

    J'aime bien ta façon d'expliquer la marche nordique (j'avais déjà apprécié ton premier article)

    et le lien que tu fais avec le rythme de la vie...Merci !

      • Jeudi 13 Octobre 2016 à 20:18

        Merci à toi, Gazou, de ton empathie.

    3
    Jeudi 13 Octobre 2016 à 22:07
    durgalola

    oui c'est cela ! la méditation est basée à 25 % sur le rythme de la respiration, au yoga également, tout est lié au souffle. 

    Le chant du ohm aussi ! aujourd'hui à la piscine, nager au rythme de l'eau. Bises et bonne soirée

    j'oubliais je viens de lire des poèmes de Denise Desjardins qui m'ont fait penser à toi. Bises 

      • Jeudi 13 Octobre 2016 à 22:32
        Merci Durgalola. Je ne les connais pas.
    4
    Vendredi 14 Octobre 2016 à 09:00

    Un bien joli endroit que tu nous montres là couvert d'herbes tendres, même si nous ne sommes plus à la même saison ! Y Marcher permet de savourer l'instant saisir ! Gros bisous et douce journée à toi

      • Vendredi 14 Octobre 2016 à 09:26

        C'est certain !

         

    5
    Vendredi 14 Octobre 2016 à 09:00

    l'instant à saisir 

      • Vendredi 14 Octobre 2016 à 09:28

        Comme disent certains ! Mais ce n'est pas ainsi que je le comprends... L'instant ne doit pas être saisi, mais lâché. C'est par la perception (="saisir") que nous créons l'instant. Ainsi, j'ai évoqué les trois parques, mais dans mon esprit il n'y en a que deux, celle du milieu n'existe pas.

    6
    Vendredi 14 Octobre 2016 à 11:07

    Merci de tes mots, je te lis toujours avec grand plaisir. J'aime l'expression de "verrières perméables" , elle éclaire justement ma réflexion du moment.

    Mes amitiés

    Alain

      • Vendredi 14 Octobre 2016 à 14:30

        Amitiés, Alain, grand poète !

    7
    Lundi 17 Octobre 2016 à 17:45

    Marcher au bon pas, à la bonne cadence... tout en méditant et en respirant à pleins poumons.

    Bises Aloysia

      • Lundi 17 Octobre 2016 à 18:28

        En harmonie avec le Tout ! happy



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