-
Par Aloysia* le 4 Janvier 2007 à 12:00Je vous parlais il y a quelque temps de Robert Bichet, artiste atypique formé par l'écoute assidue de France Culture, devenu d'abord poète à 12 ans, puis peintre par la fréquentation d'un peintre à 14 ans, enfin entré au Conservatoire de Tours pour étudier le hautbois à l'âge de 16 ans, puis au Groupe de Recherches Musicales de Radio-France à l'âge de 21 ans...
Aujourd'hui directeur de Conservatoire dans la ville que j'habite, il a créé en 1996 une œuvre musicale pour l'inauguration d'un service de pointe dans l'hôpital local : le service de rééducation fontionnelle.
Dédiée au personnel soignant de cet hôpital ainsi qu'aux malades en général, cette œuvre évoque de façon poignante la maladie, en citant intégralement un poème de Sabine Sicaud, lu par un récitant (une femme de préférence) ; puis elle esquisse une voie vers la guérison, s'achevant par une autre citation, un air de jazz connu, interprété au saxophone ténor par Coleman Hawkins : "Body and Soul", à laquelle elle doit son titre.
Interprétée par l'orchestre des élèves et des professeurs de la ville d'Issoudun, cette œuvre fut donnée en création le 1er juin 1996 sur le parvis de l'hôpital (photo ci-dessous), puis rejouée en salle pour le concert de fin d'année du Conservatoire (c'est cette version dont je vous livre quelques extraits). La récitante y est Marie-Noëlle Bichet, fille du compositeur, qui a fait des études d'art dramatique au Conservatoire National de Tours ; et à l'orchestre s'ajoute, comme souvent chez Robert Bichet, une bande de sons enregistrés que vous percevrez notamment à la fin, lorsque le retour à la santé est symbolisé par le départ d'un train à vapeur puis par des chants d'oiseaux au printemps, et enfin par l'ambiance colorée d'un marché par un matin frais.
Le concert en plein air devant l'hôpital de la Tour Blanche
Au premier plan, Robert Bichet ; juste derrière lui, Marie-Noëlle Bichet, récitante.
Voici un extrait central de l’œuvre :
fin de la première partie (maladie, souffrance)
et début de la seconde (guérison),
avec le poème de Sabine Sicaud
Maladie
Ah ! Laissez-moi crier, crier, crier…
Crier à m’arracher la gorge,
Crier comme une bête qu’on égorge,
Comme le fer martyrisé dans une forge...
(...)
Poèmes posthumes
Voici comment s'achève l’œuvre,
avec ces bruits de train, de marché, et enfin
"Body and Soul" joué par Coleman Hawkins...
(incomplet, dans cet extrait)
Visitez ici le site consacré à l'oeuvre poétique de Sabine Sicaud :
3 commentaires
-
Par Aloysia* le 19 Décembre 2006 à 12:00
Orion est une superbe constellation d'hiver que l'on commence à voir se lever à l'Est vers 21h30, couchée sur le côté. C'est l'une des plus belles constellations du ciel avec la Grande Ourse, car c'est à la fois l'une des plus grandes, et l'une de celles que l'on voit le mieux. Elle doit son nom au chasseur Orion qui, dans l'Antiquité, aurait défié Artémis, la déesse de la chasse, se croyant meilleur qu'elle. L'immense rectangle représente ses épaules et ses jambes, avec au centre trois étoiles d'affilée qu'on appelle son "baudrier", ou sa ceinture (voir ici l'article de Wikipedia consacré à la constellation : l'animation des photos est magnifique).
Cette constellation vaste et paisible contient l'une des étoiles les plus brillantes de notre firmament : Bételgeuse ; elle abrite aussi, un peu en-dessous du "baudrier", une nébuleuse très connue à cause de sa forme caractéristique : la nébuleuse "à tête de cheval". Cependant celle que l'on aperçoit à l'oeil nu en est une autre qu'on appelle simplement "la grande nébuleuse d'Orion".
La nébuleuse à tête de cheval (la forme est encadrée) photographie tirée de Wikipédia,
et réalisée par le téléscope Hubble
Quoi de plus pour inspirer Robert Bichet, rêveur incorrigible avant que musicien, avant que poète, avant que plasticien... ?
Pour la classe de saxophones de son conservatoire, il imagina donc une partition destinée à être exécutée par un ensemble de saxophones tous disposés selon le modèle de la constellation, chaque musicien recevant le nom de son étoile : outre Rigel et Saïph, qui sont au sud et sur le devant de la scène (deux saxophones alto), on verra au centre les trois étoiles du baudrier Delta, Epsilon et Dzêta Orionis (trois autres alto), et au fond les deux étoiles du nord, Bételgeuse et Bellatrix (un saxophone ténor et un saxophone baryton). Au sujet des noms d'étoiles, vous aurez remarqué que les principales (les plus brillantes aussi) portent un nom personnel, alors que les étoiles secondaires restent numérotées grâce à l'alphabet grec.
"Parcours Secret derrière Orion", interprété par ses dédicataires lors de la création au Château de Gargilesse (Indre) le 31 mai 1997, sous la direction de Frédéric Langé
En voici un extrait du début, avec Florence Blanchard et Gaëlle Lecouvé devant (Rigel et Saïph), puis Christophe Thibault, Gwendoline Charraux et Guillaume Baillarin au centre (delta, epsilon et dzèta orionis), enfin Gérard Janson et Olivier Resse au fond (ce dernier est assis : Bételgeuse et Bellatrix).
Les saxophones, instruments trop délaissés en-dehors du jazz (et notamment en ensemble), évoquent ici à merveille le scintillement des étoiles dans le grand vide intersidéral.
Début de "Parcours secret derrière Orion",de Robert Bichet, pour sept saxophones1 commentaire
-
Par Aloysia* le 31 Août 2006 à 12:00Pour faire suite à mon article du 29 juillet, voici la troisième version annoncée de cette série d’œuvres sur le thème d'un quotidien étrange... Je vous rappelle que, rattachées par leur titre à une lithographie du peintre Michel Salsmann, elles sont toutes trois inspirées d'un poème écrit par Robert Bichet sur l'île de Naxos : "Escale"...ESCALE
Les bateaux se préparent lentement
Leurs antennes se tendent comme des doigts
La lune oublie d’éclairer cette nuit sans ombre
et le temps passe comme un chat silencieux
l’escale fugitive…
partir sans jamais arriver…
Tant d’espoirs foisonnant mais en vain…
Ce beau miroir d’argent
Ce ciel demi-ouvert
Et cette mort latente suspendue à son fil…
Ce pourrait être celui d’Ariane ou de Kronos
ou celui d’une attente mystérieuse.
Détestable araignée
tu tisses encore une histoire triste
et tes yeux de verre s’illuminent
comme ceux des cargos
qui vont bientôt partir
nonchalamment, paresseusement.
Et la nuit magicienne transportera leurs rêves…
© ROBERT BICHET
À chaque fois l'artiste s'est intéressé à un groupe précis de musiciens pour lesquels il a écrit une partition destinée à évoquer la fuite du temps au sein d'une journée très ordinaire.
La présente pièce fut écrite en 1990 pour la soprano dramatique Catherine Boni et son accompagnateur d'alors Jean-Paul Cristille. Une bande de sons y est ajoutée, comprenant des voix enregistrées, une partie de piano préenregistrée, ainsi que des cris de mouettes et un départ de chalutier... La soprano, qui s'est vivement intéressée à la création de l'oeuvre, chante tantôt sur des extraits du poème (qui sera entièrement lu à la fin), tantôt sur des onomatopées, y ajoutant même parfois des chuintements destinés à évoquer le bruit de la mer. Son oreille musicale est extrêmement sollicitée, car elle évolue sur des mélodies complexes entièrement écrites tandis que le piano module de façon planante et répétitive, à l'image du flot étale d'une eau paisible.
Voici un extrait de l'oeuvre,
enregistrée le 6 décembre 1991 lors du vernissage d'une exposition à Issoudun
avec Catherine Boni, soprano et Robert Milardet au piano
Photo prise à la Maison du Berry d'Issoudun par Michel Vasseur (Nouvelle République).
De gauche à droite : Robert Bichet, compositeur, Robert Milardet, pianiste
et Catherine Boni, cantatrice .
Au mur, des encres et des plis postaux de Robert Bichet.1 commentaire
-
Par Aloysia* le 24 Août 2006 à 12:00Et si nous revenions un peu à Robert Bichet, que j'avais laissé en suspens ?
J'aimerais vous faire découvrir aujourd'hui ses acrostiches, qui sont pour lui un exercice très particulier. Il les appelle "Poèmes venus d'ailleurs", car il les utilise comme prétexte, un peu comme les "textes à contrainte" que d'autres pratiquent : le principe pour lui est de partir d'un prénom féminin, généralement entendu par hasard et dont la propriétaire ne lui est rien (à de rares exceptions près), et de laisser courir son imagination en se tenant de très près aux règles de la versification ; puis de faire oublier le prénom initial en omettant systématiquement les majuscules de début de vers (sauf la toute première). Le résultat, vous le verrez, est des plus fantastiques...
Ces Poèmes venus d'ailleurs ont été publiés en 1974 aux éditions Saint-Germain-des-Prés à Paris (aujourd'hui devenues Le Cherche-Midi éditeur), dans un recueil général intitulé Mes Saisons de Bracieux illustré d'encres de l'auteur et préfacé par moi-même, qui est aujourd'hui malheureusement épuisé mais s'est arraché à 90€ récemment dans une vente aux enchères à Paris (c'est vous dire combien vous devriez profiter de l'offre à 7€50 parue récemment sur ebay, pour le fascicule Parcours secret derrière Orion qui lui aussi contient quelques Nouveaux poèmes venus d'ailleurs ainsi que de très belles illustrations).
L'acrostiche proposée ici a été construite sur le prénom de... Tiens, eh bien vous trouverez bien vous-mêmes, n'est-ce pas ? Et comme elle fait déjà allusion à la grande constellation d'Orion, je vous donnerai en illustration l'aquarelle correspondante à Parcours secret derrière Orion...Déplaçons les objets sur la ligne incertaine
orion dissimulé fera le transitoire ;
la courbe éparpillée fugitive et lointaine
ouvrira dans le ciel pour notre échappatoire...
retardons l'alambic sur l'ovale et le cercle
évaporés d'en bas pour l'hallucinatoire ;
saisons du sablier que l'illusoire encercle...(Extrait de "Poèmes Venus d'ailleurs"in "Mes saisons de Bracieux",
© Editions St-Germain-des-Prés, Paris 1974)
1 commentaire
-
Par Aloysia* le 30 Juillet 2006 à 12:00
Pour ceux d'entre vous qui auraient apprécié Robert Bichet, je viens de découvrir que son principal ouvrage, "Parcours secret derrière Orion" est en vente sur ebay !! A ne pas manquer !
Pour 7€50 seulement (+2,40 de frais de port), vous avez :
- un magnifique livre de poèmes dont vous avez eu quelques extraits sur ce blog, mais à quoi s'ajoutent des poèmes d'amour, des acrostiches...
- un descriptif de toute son œuvre musicale et picturale avec le relevé de tous les concerts et expositions déjà réalisés, accompagné de photographies.
- de très nombreuses reproductions de dessins de Robert Bichet, qui illustrent le recueil tout au long, à commencer par les encres, et en terminant par les belles aquarelles dont je vous ai donné quelques aperçus (en couleurs pour celles-ci).
Aux éditions François Villon (édition créée par le groupe poétique du même nom qui siège à Issoudun), un beau livre de format 23,5 x 17,5 cm (particulièrement grand) et de 90 pages.
Et pourquoi ce titre ?...
Je vous l'ai dit, Robert Bichet est un passionné... Après les insectes (voir sur ce blog mon "Voyage en Côte d'Ivoire"), après le cinéma (voir sur ce blog mon "Noël au Sahara"), il se passionna pour les champignons...
Orion, cette immense constellation qui embellit le ciel d'hiver, l'a immédiatement fasciné, et pour elle, toujours passionné du chiffre trois, il a créé :
- un recueil de poèmes
- une superbe aquarelle, qui reproduit le tracé de la constellation
- une oeuvre musicale, dans laquelle les différents instrumentistes occupent chacun la place d'une des étoiles de la constellation.
De l'aquarelle et de l'oeuvre, nous parlerons ultérieurement.
Je vous laisse pour le moment apprécier un nouveau poème tiré du recueil, et qui justement fait allusion à Orion.
Tu fais de la vie
Belle
ce grand brasier d'étoiles
où chantent
où s'émerveillent
les rêves les plus fous
les mondes les plus secrets
les plus lointains voyages
Tu fais de la vie
Belle
ces forêts
ces aurores
des prairies printanières
où je chante
où je cours
tel un tout jeune enfant
Tu fais de la vie
Belle
ce parcours enchanté
que tes doigts caressants
tissent
du côté d'Orion
Et de tes mains posées
sur mes nuits vagabondes
naissent des terres nouvelles
des espaces transformés
où nous courons ensemble
vite
très vite
de plus en plus vite
Et les oiseaux s'envolent
Et les statues se taisent
Ils écoutent en silence
les battements de ton coeur
au plus profond du mien
Robert Bichet, Parcours secret derrière Orion
© Editions François Villon, 19971 commentaire