•  

     

     

     

     

     

    L'homme fortuné qu'enivre ta présence
    Me semble l'égal des Dieux, car il entend
    Ruisseler ton rire et rêver ton silence,
        Et moi, sanglotant,

     

    Je frissonne toute, et ma langue est brisée :
    Subtile, une flamme a traversé ma chair,
    Et ma sueur coule ainsi que la rosée
        Âpre de la mer ;

     

    Un bourdonnement remplit de bruits d'orage
    Mes oreilles, car je sombre sous l'effort,
    Plus pâle que l'herbe, et je vois ton visage
        À travers la mort...

     

    (Renée Vivien, 1903)

     

        Ce texte me confond à chaque fois par sa beauté... Le mien en regard est bien médiocre.

        Renée a réussi ce prodige exceptionnel de reproduire jusqu'à la prosodie même de Sappho, dans la mesure du possible. En effet, la poésie grecque est une poésie rythmée - comme aujourd'hui la poésie allemande, ou anglaise : certaines syllabes sont longues, d'autres courtes, et cela se "scande", comme on dit... D'où le rythme de "valse" que j'avais trouvé à l'épitaphe de Seikilos ; et cela, en français, on ne peut pas l'obtenir, notre langue étant dans ses syllabes uniforme.

        Mais par contre, elle a compté leur nombre : 11 syllabes pour les trois premiers vers, 5 pour le quatrième, le tout constituant la célèbre "strophe saphique", un rythme créé personnellement par Sappho... Eh bien, Renée réussit ce prodige pour la langue française (qui jusqu'à ce jour ne connaissait que des vers comportant un nombre de syllabes pair : 12, 10, 8... ), de traduire exactement la strophe saphique, avec ses 3 premiers vers de 11 syllabes, et son quatrième de 5 ; et en obtenant un rythme merveilleusement harmonieux : 5 + 6 pour les premiers, 5 pour le dernier.

        On en demeure confondu. Pour qui croit en la réincarnation, on pense à un retour de la poétesse parmi nous - et c'est d'ailleurs ce qu'elle disait, car Renée était bouddhiste dans l'âme.

        Ce poème a été traduit tant de fois qu'il fait l'objet d'un livre entier aux éditions "Allia" (Paris, 1998) : "L'égal des dieux, cent versions d'un poème de Sappho". Boileau lui-même en a fait une adaptation dans son "Traité du sublime" (chapitre VIII). Mais lorsque vous lisez toutes ces traductions, aucune n'égale celle de Renée Vivien.

     

    3 commentaires

  •  

     

     

    Aujourd’hui l’Eros fatal, amer et doux,
    L’Eros qui ressemble à la mort, me tourmente,

    Maîtrise mes flancs et brise mes genoux
    Dans l’angoisse ardente...

       

     

    Renée Vivien

    Traduction d’un fragment de Sappho

     

     

              Pourquoi ne possédons-nous de Sappho que des fragments ?

             Considérée dans l’antiquité comme l’une des plus grandes poétesses de son temps, elle avait marqué les esprits éclairés. Cependant, les mœurs très libérales qui avaient cours dans son île de Lesbos – île riche et florissante non loin des rivages de l’Ionie, en Asie Mineure – ne furent pas du goût des Grecs du continent, qui peu après sa mort, s’empressèrent de brûler toutes ses œuvres comme si elle eût été pestiférée.

     

            Certaines demeurèrent cependant dans les esprits, et c’est de mémoire que l’on ressuscita la fameuse « Ode à une Femme aimée », qui connut plus de cent adaptations françaises, plus une latine (par Catulle), et peut-être bien d’autres ; beaucoup enfin furent retrouvées à l’état de fragments, de morceaux de papyrus épars, oubliés dans les bibliothèques.

     

     

    votre commentaire

  • Portrait d'Achille, tiré de l'album "l'Iliade" illustré par
    Alice et Martin Provensen

     

     
     

    Charpentiers, levez haut la poutre du plafond,
    Hyménée !
    Car il entre chez nous un marié tel Arès...
    Non pas un dieu, mais plus grand qu'un grand homme,
    Hyménée !
    Dominant ses pareils tel l'aède lesbien
    Devant les étrangers !

     
     
    Traduction de Martine Maillard
     
     

    votre commentaire

  •  

     

     

    Immortelle Aphrodite au trône étincelant,

    Fille de Zeus ourdisseuse de ruses, je te supplie :

    Ne soumets pas mon cœur aux dégoûts et chagrins,

    Souveraine !

     

    Mais viens à moi, si jamais d'autres fois

    En percevant ma voix tu m'écoutas,

    Et quittant le palais lumineux de ton père

    Tu  m'assistas !...

     

     

    Traduction de Martine Maillard

     

    1 commentaire
  •  

     


    Un grand merci à Totem et à son site "Éternel présent" qui m'a fourni cette image

     

     

     

    P eut-être seras-tu l'éblouissant mirage

    A u milieu des filets dénoués du silence...

    U nique dans les flots qui meurent au rivage,

    L ibre, tu passeras sur les astres immenses,

    E t tu retourneras dormir au fond des âges.

     

     

     

     

    1 commentaire