• Pâques

     
       
        J'avais oublié la magie de Pâques.
        On pense trop "cloches" et puis "lapins".
        On pense trop "œufs et "chocolats".
        On pense "coucous" et "pâquerettes", et gai soleil et vent léger...

        Alors que Pâques est un travail en profondeur, une puissante alchimie qui agit en nous-mêmes comme dans la terre, une fois pas an.
        Cette année, c'est bizarre : elle est tombée le 23 mars ; le surlendemain de la Pleine Lune du Bélier, jour de force où les puissances masculines s'allient aux puissances féminines, où les puissances du Mal s'opposent aux puissances du Bien, où s'équilibre la pulsion vers la vie matérielle et l'aspiration vers le Ciel (jour de Force donc pour un vendredi Saint !) ; et la veille de la Saint-Gabriel (archange de l'Annonciation) ; l'avant-veille de la fête de la Fécondation de la Vierge Marie (fête de l'Annonciation).
        Ce fut chez nous une journée de lumière, entachée seulement par le froid et l'annonce d'une proche perturbation qui ne nous toucha que le soir ; puis le lundi fut, malgré les prévisions de météo France, plongé dans les ténèbres de plus en plus profondes : rare en cette fête de la résurrection.

        Mais quelle résurrection ? Voici un mot qui ne nous parle plus dans son sens vrai. Oui, bien sûr on se dit : "ce qui était mort redevient vivant". Et on n'y croit pas, sauf pour la nature : eh oui, les arbres dépouillés bourgeonnent à nouveau... mais pour le reste ?

        Non, ce n'est pas "ressusciter" qu'il faut dire. Il faudrait revenir à l'ancienne formule, celle qu'illustra Moïse à la sortie d'Egypte : c'est traverser, trouver l'issue, dépasser une épreuve. Tout ce noir ambiant, toute cette agressivité de neige et de grêle que nous avons affrontée, elle représente les désordres qui sont en nous, et sous lesquels nous nous laissons peu à peu engloutir.
        Le monde nous semble de plus en plus hostile, nous nous battons. Et nous avons oublié la grande force de lumière, celle qu'on appelle de tous ces beaux noms d'amour, de courage, d'espérance, de volonté, de foi en la vie, celle qui d'un coup peut faire de nous d'autres êtres, plus vivants, plus joyeux, plus vigoureux.

        Quand nous plongeons en nous et nous abandonnons à l'immense ciel bleu qui dort au fond de notre coeur, nous y rencontrons la lumière, et d'autres forces alors nous sont données. Nous respirons plus amplement, l'espoir renaît, et une voix nous dit :
    "Non ! Ce n'est pas fini ! Non ! La vie est Belle ! Non, la Terre est puissante et forte !" Et nous repartons pour de nouvelles batailles.

        Pâques est l'image de cette transformation. On y bénit le feu nouveau. On y bénit l'eau baptismale. Elle matérialise notre aptitude à choisir entre le bien et le mal, c'est à dire à donner sens à ce qui n'est que terre, à habiter ce qui est mort pour en faire du vivant, à respirer dans les choses. Un sacrement. j'ai toujours été fascinée par la présence dans la religion chrétienne, un peu dans la catholique, encore plus dans l'orthodoxe, de "sacrements".

        Je crois que le "sacrement" - reprise au quotidien de l'ancien mot "initiation" - est le fondement même d'une "religion" (en son sens de reliance), et l'élément le plus nécessaire à notre vie. Il est la rencontre entre un souffle de vie descendu d'ailleurs, et notre matière morte par sa propre nature.

        L'Esprit (Spiritus) est ce qui respire... Lorsque nous respirons, l'Esprit est en nous. Plus nous respirons grand, et plus l'esprit en nous est fort, et plus la Vie se dilate, et plus l'espoir se développe, et plus l'Amour grandit.

        Parfois l'on parle de Dieu mais cela n'a rien à voir avec les dieux païens.

        Cependant on ressent ce qu'il signifie, lorsque Messiaen fait dire à l'Ange, dans Saint-François d'Assise :
     
    "Ton Cœur t'accuse ; mais Dieu est plus grand que ton Cœur !"

        Et lorsque Claudel fait dire à Jeanne, brûlant sur le bûcher :

    "Il y a la Joie, qui est la plus forte ;
    Il y a l'Amour, qui est le plus fort ;
    Il y a Dieu, qui est le plus fort !"


    « Elle est retrouvée. - Quoi ? - L'éternité !
    C'est la
    Terre
    allée
    Avec le Soleil... »

    (Panorama de Fontainebleau vu depuis la Croix du Calvaire, et interprétation libre
    d'un poème d'Arthur Rimbaud qui dit : « C'est la
    mer... »)
     
     
     
    « Au soir, quand la fraîcheur descend...Prière pour la libération d'Ingrid Betancourt »

  • Commentaires

    1
    Mardi 1er Avril 2008 à 12:00
    et oui... traverser, comme passer de l'autre coté du chemin et cheminer encore...


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