• Fontainebleau - 1 -

     


     Quand j'étais enfant, je ne savais pas que j'étais née dans la plus belle forêt du monde...
     
    C'est depuis que je me suis promenée un peu partout, que je me suis aperçue qu'il était impossible de retrouver ce que j'avais connu enfant. Et d'autant plus impossible que c'est une époque révolue : aujourd'hui, le climat s'est dégradé, les routes se sont élargies et chargées en véhicules, et  la pollution par le bruit, les gaz d'échappement et la saleté a entraîné la fermeture de la plupart des accès goudronnés, cédant la place à de grands parkings auprès desquels se condensent les promeneurs du dimanche.
    Moi, puis mon frère et mes soeurs, y avons fait nos premiers pas - et mes grands-parents leurs derniers. Au son de

    Allons dans un p'tit bois charmant,
    Quand on y va que l'on est à l'aise,
    Allons dans un p'tit bois charmant,
    Quand on y va que l'on est content !

     les bébés apprenaient à marcher ; tandis qu'après son opération, je réapprenais à mon grand-père à "escalader" ! J'avais six ou sept ans ; il faisait mine d'avoir besoin de mon aide pour gravir le petit talus sableux tout parsemé d'aiguilles de pins qui bordait l'allée où nous passions.

    Ces photos, je les ai prises l'hiver dernier du côté de Franchard, un endroit très visité de la forêt. Chaos de rochers, paysages désertiques, collines accidentées, multiples essences de bois, cette forêt est une féérie de paysages divers, avec partout des petits chemins balisés, voire même des constructions ou traces du passé : anciennes routes pavées datant de Louis XIV,  tours trônant sur un sommet et érigées par des "sylvains" (nom donné au siècle dernier aux forestiers, qui ont su marquer tant d'itinéraires pour notre bonheur), médaillons de bronze incrustés dans la roche, voire textes en vers gravés au ciseau.



    Chaque dimanche, chaque jeudi, nous allions goûter dans les bois et jouer dans les rochers, ou dans les grottes pleines de surprises que nous y trouvions - avec parfois des entrées qui débouchaient sur des salles rondes où finissait de mourir un feu de pierres, ou bien qu'ornaient des fresques peintes à la main et signées d'artistes du passé. Que de rires, que d'exercice aussi !
    C'est là que, impressionnée par la gravité des arbres et du paysage, j'ai médité à cheval sur des troncs couchés ou sur des crêtes rocheuses, sans savoir qu'il y a un siècle Mère, la compagne de Sri Aurobindo, y était née et avait connu les mêmes émotions : cette forêt, disait-elle,  est un haut-lieu vibratoire.
    Est-ce une raison pour qu'à ce jour y renaissent des rituels démoniaques ? J'ai connu des jeunes qui se réunissaient à minuit, sous la pleine lune au sommet d'une tour alors accessible en voiture, pour y faire tourner un guéridon et y contacter des "atlantes"...




        Fontainebleau lui-même est construit au creux de collines, dont celle-ci qui le domine, et sa proximité de Paris, en plus de son histoire - ville royale riche en hôtels particuliers - en fait un marchepied pour les artistes approchant de la capitale.
         C'est dans son ravissant petit théâtre que vers l'âge de dix ans j'ai reçu un autographe de Dinu Lipati. C'est là aussi que j'ai connu Maurice Gendron, bellifontain ainsi que toute sa famille.
        Le Conservatoire américain, fondé par Nadia Boulanger, y attire encore les musiciens du monde entier, mais lorsque j'étais enfant, l'occupation américaine nous valait un "lycée international" que fréquenta entre autres Charlotte Rampling. C'est grâce aux enseignants de ce lycée, pour la plupart canadiens, que je gagnai un jour un concours qui me permit de profiter d'un merveilleux voyage de trois semaines au Québec !
        Je découvris également l'équitation, dans un manège couvert très chic où je venais observer les évolutions des cavaliers depuis les galeries supérieures, mais où hélas ma mère me dit qu'il était à jamais exclu de m'inscrire, vu le style de fréquentation (et plutôt je pense : le coût inévitable des tenues exigées).

       Voici le seul poème que j'aie écrit sur "ma" forêt. Il a été édité dans un recueil paru en 1974 aux éditions Saint-Germain-des-Prés : Le Rossignol d'Argent.


    LA FORÊT

    Je suis un chemin bleu à l'enseigne de sable.
    L'arbre se mire aux yeux de mon lac endormi ;
    L'oiseau pleure la fée aux plumes de résine...
    Et c'est dans les rochers la fuite du lézard !


    Note : il n'y a pas de lacs à Fontainebleau... Au contraire l'eau y manque cruellement, et quand je partais en randonnée à vélo, je ne devais pas oublier de mettre ma gourde pleine dans ma sacoche ! Mais il existe quelques points d'eau (importants pour les biches qui y vivent) : notamment quelques mares, souvent très poétiques.




    La mare de Franchard, photo Frédéric Daout

       
     
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  • Commentaires

    1
    ges
    Mercredi 19 Octobre 2005 à 12:00
    belle musique, belles photos... je redécouvre la forêt alors qu'en 3 pas je suis à la Fontaine aux Biches !
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