•     Je vous propose ici une petite allégorie sans prétention, pour évoquer ce qui pourrait être l'approche de notre Réalité profonde... dans l'émerveillement.



    Enfant caché

     

            Le Soi est semblable à un petit enfant d'environ deux ans, qui court dans votre appartement et joue à se cacher.

         Entendant son rire cristallin, vous tournez la tête et hop ! vous apercevez une tête blonde qui disparaît derrière une porte. Mais il a déjà filé.

         Vous le cherchez derrière les rideaux qui bougent. Vous les tirez et hop ! vous voyez son petit nez, ses yeux malicieux...  Mais il a filé.

         Vous commencez à vous fatiguer. Vous dites : "Bébé ! Où es-tu ?" Il a gloussé dans la cuisine ; mais quand vous y arrivez, il n'y est plus.

          Vous perdez patience. Vous dites :

    "Écoute ! J'ai autre chose à faire que de te chercher partout ! J'ai du travail, moi !! "

             Vous n'entendez plus rien.

              Tant mieux. Tranquillité, tranquillité. Vous travaillez, vous, au moins.

              Vous entendez un sanglot. Vous sursautez : 

    «  Qui pleure là, sinon le vent simple, à cette heure
    Seule, avec diamants extrêmes ?… Mais qui pleure,
    Si proche de moi-même au moment de pleurer ?  »  *

         Vous vous énervez : "Mais tu es où ?" Et puis vous vous ressaisissez : " Et qu'est-ce que tu fais encore comme bêtise ? " Un bruit de course retentit : il est là  !! C'est plus fort que vous, vous avez crié.

              Non, personne...

          Vous commencez à vous demander où il est passé. Il commence à vous manquer sérieusement. Vous le cherchez.

            Sous le lit.
            Non. 

             Dans le placard de l'entrée.
             Non.

              Vous faites le tour de l'appartement.
              Rien.

              Et soudain vous avez peur.

               TRÈS PEUR.

              " Et s'il était tombé par la fenêtre ???

              "J'AURAIS DÛ LE SURVEILLER !! JE N'AURAIS JAMAIS DÛ LE QUITTER DES YEUX !!

              La panique vous saisit... Mais qu'est-ce qui vous a pris de l'oublier cinq minutes !!

              Alors vous reprenez vos recherches méthodiquement.

              Vous l'appelez ; il ne répond plus... !

             Toute votre attention  se focalise sur cette seule idée :  le retrouver. 

             Vous faites des prières, vous invoquez tout ce que vous avez de plus cher.

          Et puis enfin... en fouillant de nouveau sa chambre... vous le retrouvez endormi dans son coffre à jouets...

     

         Il s'était tellement fatigué à courir... Il voulait faire une surprise, et puis  voilà, il s'était endormi ! Alors c'était raté ! **

             Vous pleurez. Vous le serrez dans vos bras.  Vous le serrez à l'étouffer. Il ne vous quittera plus ! Plus jamais...

     

    Krishna enfant

     

     


    * Paul Valéry, la jeune Parque
    ** Tchouk et Ghek voir ici.

     


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  •  
         Voici une tentative de réponse au thème proposé par Sabine.

         Mais ne voyageant guère en ce moment il sera plutôt une sorte de fable qui je l'espère ne vous semblera pas trop amère.

         Car si les voyages forment la jeunesse et s'ils ont instruit Sindbad et Ulysse, bien des marins partis pour l'Islande ou le Nouveau Monde n'en sont jamais revenus.

      

    Voyage grues

     


         Je suis une grue. Un spécimen de ces animaux bruyants et grégaires que l'on trouve aux alentours du lac de Der (le "dernier" des lacs...) en Champagne-Ardennes.

          Je ne sais d'où je viens.

         Mais je sais où je vais : je rentre chez moi, dans le grand pays des grues, avec toute ma famille rassemblée. Et nous chantons, nous chantons en chemin.

     

    Voyage-grues

     

          Nous chantons pour nous donner du courage et nous avançons ensemble, les yeux rivés sur l'horizon, car nous savons, nous savons que nous arriverons.

           Mais le chemin est dur. 

        Il y a les vents contraires. Les pluies qui battent à nos têtes. Et tous les obstacles inattendus. La brume... L'épuisement....

     

    Voyage grues

     

         Mais quoi qu'il arrive nous suivons aveuglément la pionnière qui est déjà loin devant.

     

    Voyage grues

     

        J'ai traversé des campagnes, des campagnes... Des nuages, des nuages... Des forêts, des forêts...

     

    Voyage grues

         

           Et puis il y a eu ce brouillard.  Ce terrible brouillard.

     

    Voyage-grues

     

          Et je n'ai pas vu cette ligne à haute tension.

     

    Voyage grues

       

          Et voilà. Pour moi le voyage est fini.

     

    Voyage grues

     

          Mais ce n'est pas grave. Et je me réjouis !

     

    Voyage - grues

     

        Car les autres, je sais qu'elles arriveront. Elle finiront le voyage. Elles seront à la maison.

           Et je suis dans leur cœur.

     

     

     


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  •      Dans ma jeunesse j'ai habité au cœur de Paris. 

      Enfant j'étais venue à Montmartre et à Belleville visiter mes grands-parents. Amoureuse c'est dans une chambre de bonne près de la Gare Saint-Lazare que j'ai vécu, et c'est là que mon compagnon décida un jour de m'offrir une belle surprise. 

     

    Une mansarde Rue d'Amsterdam

     

          Il décida de me bander les yeux et de me conduire dans un endroit que je ne soupçonnais pas, que j'étais incapable de deviner.

            J'étais toute jeune, je trouvai cela super drôle.

             Et il fallait que les parisiens de l'époque soient de bonne composition, et que nous ayons l'air heureux de notre farce ! En effet il me fit prendre le métro, yeux bandés.

    - « Attention à la marche... attrape la rampe ici... c'est un escalier ! ... »

          J'étais aveugle ! Totalement aveugle. Ce n'était pas toujours simple.

            Les gens se retournaient, mais Robert était stoïque. Et je n'avais pas l'air de souffrir.

          Nous prîmes une rame. Robert me disait gentiment à l'oreille : 

    - « Tu comprends, si tu vois où tu vas, c'est fichu ; plus de surprise ! »

        Je souriais. J'étais aveugle, peut-être ; mais, comme les aveugles que l'on guide, j'étais heureuse d'être guidée, alors je souriais. Les gens ne pouvaient pas en vouloir à Robert même si parfois certains, suspicieux, lui arrachaient un :

    - « Ne vous inquiétez pas monsieur, c'est un jeu ! C'est pour lui faire une surprise ! »

         Nous enfilâmes une correspondance. Parfois je butais, mais il me rattrapait. Cela me parut long, mais nous fûmes enfin dans le second métro.

     

    La station de métro Saint-Lazare

     

          Je me posais bien des questions... Où pouvait-il m'emmener ? Ah oui, maintenant bien sûr vous connaissez l'histoire des Rendez-vous en Terre Inconnue avec Frédéric Lopez ! Seulement Frédéric Lopez n'invite que des stars, et puis à l'époque il n'était encore qu'un petit garçon car cela se passait en... 1972.

           Quand nous débouchâmes enfin à l'air libre je commençais à avoir bien chaud sous ce foulard qui avait une fâcheuse tendance à me descendre sur le nez. Or nous étions à la belle saison, fin du printemps-début de l'été, et il faisait bon : c'était une sortie estivale ! Je pensais donc vraiment arriver dans quelque jardin public... Mais j'entendais encore les vrombissements des voitures, et Robert me pressait contre lui pour éviter que je ne heurte les passants.

          Il s'excusait et me disait :

    - «  On est presque arrivés, mais il faut encore avancer un petit peu, sinon cela ne vaudrait pas vraiment le coup... »

        Nous avançâmes, nous avançâmes...  Nous tournâmes un angle de rue. Il y avait moins de monde.

          Soudain Robert dit :

    - « C'est bon ! Je crois que je peux te l'enlever. »

        Et il se mit en devoir de détacher le gros noeud derrière ma nuque... J'allais respirer !

         Lentement le foulard glissa sur le côté et à mes yeux ébahis surgit une sorte de petit passage entre des échoppes de tôle ondulée... Qu'était-ce donc ? Où étions-nous arrivés ? Je n'avais jamais rien vu de pareil !!

     

    Puces-Saint-Ouen
    Image du net

     

                  Ahurie, je disais :

    - « Mais on n'est plus à Paris !! Comment as-tu fait ? Où sommes-nous  ?! »

        Robert m'avait conduite en plein cœur du marché Malik à Saint-Ouen, dont je ne soupçonnais même pas l'existence. Car non seulement j'ignorais les Puces, mais en plus je n'avais encore jamais visité de souks ou de marchés fixes de ce type ! L'effet avait vraiment valu l'effort que j'avais fourni : le dépaysement total !! 

     

          Marché Malik
    Photo  Nathalie Prezeau


          Quand on est jeune, il est toujours passionnant le jeu de la découverte. En effet, qu'est-ce que la vie humaine sinon une marche perpétuelle vers le neuf, vers l'inconnu ?

        Cependant plus nous vieillissons, et plus nous nous apercevons que ce renouvellement perpétuel ne cesse pas, et nous commençons à nous en fatiguer. Quand on dit "de mon temps..." ou que l'on devient Alzheimer, n'est-ce pas tout simplement que l'on en a assez, que l'on sature de nouveautés toujours multipliées ?

          Le monde finit par ressembler à ces poupées gigognes qui se secrètent l'une l'autre à n'en plus finir...  Et l'on se demande si l'on est si libre de jouir de nos découvertes, et si ce n'est pas plutôt la vie qui nous mène par le bout du nez... et qui nous conduit malgré nous où nous ne voulons pas aller !

     

    Poupées russes

     

         Alors finalement, plutôt que d'avancer comme des automates sur les autoroutes connues, si nous nous trouvions un guide, un vrai ; en qui nous puissions avoir autant de confiance que j'en ai eu envers mon gentil compagnon...  et qui puisse nous conduire vers un endroit totalement stable quoique ignoré et connu de lui seul, ce qui nous offrirait la plus belle surprise imaginable ... ?

     


    Gabriel Fauré - Le Jardin de Dolly - Katia et Marielle Labèque

     

     


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  •  
          Aujourd'hui je vous propose un petit conte....

     

    Ancienne école


     
        Imaginez une fillette qui s'est introduite dans sa salle de classe alors qu'il n'y avait personne...  Le tableau noir est entièrement à elle.

         C'était son rêve depuis si longtemps ! Sautant de joie, elle monte sur l'estrade, prend des craies et dessine.

    Tableau noir


         Elle a tant de choses à dire... à raconter... que peu à peu elle se laisse entraîner...

    Fillette écrivant


         Il lui prend même l'idée de signer !! Après tout, pourquoi ne signerait-elle pas son oeuvre ? (Elle ne remarque pas la transformation du mot...)

    Signature

     

         Bientôt le tableau se remplit, se remplit, se remplit... 

     

    Tableau noir-Dreamstime

     

        Et la voici entraînée bien au-delà de ce qu'elle aurait jamais pu imaginer : elle grandit avec le tableau.

     Tableau noir-questions

     
        ... Elle vieillit avec le tableau...

    Einstein

     
       ... Et tout devient possible ! Tout se développe à l'infini dans la magie du tableau !

    Tableau noir

    Tableau couvert de dessins

    Tableau couvert de signes mathématiques


        C'est alors que le Maître surgit brusquement dans la pièce. 

         Effrayée, la fillette se colle au tableau, se demandant s'il va la féliciter pour son oeuvre ou lui reprocher son ingérence dans un domaine qui ne la concerne pas.

     

    Maître d'école


         Mais sans un mot, devant l'enfant stupéfaite il met brusquement fin au sortilège et efface totalement le tableau.

    Tableau avec Maître



           Puis la prenant affectueusement par le bras, il lui explique :


    «  Mon enfant, tu t'es complètement trompée sur l'usage de cet objet. Ayant devant toi un panneau obscur tu as cru devoir le surcharger encore de toutes sortes de choses, comme un prisonnier qui dessine sur les murs de sa prison ! Mais regarde plutôt ce que je vais te montrer. Ce tableau noir bascule sur son axe... »

    Merlin l'enchanteur

        «   ... Et quand je le fais pivoter ... Que vois-tu ?! »

      Paysage

          

    «  La Réalité ! ... »

     

     


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  •        Voici un conte qui relate une expérience que j'ai réellement vécue.

           Le nom donné au jeune disciple est imaginaire. 



    Adi Shankara avec quatre disciples

     

         Narupa était un jeune disciple. Depuis un an, il suivait assidûment l'enseignement de son Maître, et pour lui rien n'était plus important que d'être à ses côtés pour bien entendre ses propos.

         Quand le Maître parlait, Narupa avait l'impression que ses paroles résonnaient si profondément en lui que rien ne pourrait les lui faire oublier. Et cependant, à chaque fois qu'il s'en éloignait un peu, il se ressentait de nouveau vide et démuni et avec stupéfaction s'apercevait que tout ce qu'il avait cru entendre s'était évanoui.

        Au tout début, lorsque Narupa avait rencontré son Maître, il était seul avec lui, au point que Narupa s'était imaginé que ce Maître-là était apparu spécialement pour lui ! Il en était fier mais un peu angoissé en même temps. Cependant le rayonnement du Maître commença à s'exercer à la ronde et bientôt ils furent deux, puis quatre. Et Narupa s'était réjoui, car plus il voyait de personnes venir écouter son Maître et plus il sentait la valeur de celui-ci, plus il se sentait en sécurité à ses côtés.

         Mais là commencèrent les épreuves : car ce n'est pas tout de rester aux pieds du Maître, encore faut-il savoir mettre en pratique sa Parole ; et les autres commencèrent à devenir des menaces pour Narupa, lui paraissant plus brillants, plus forts, aptes à le dépasser ou à l'écraser par les expériences antérieures qu'ils avaient effectuées ou par leurs qualités personnelles. 

        En peu de temps, ce ne sont plus quatre mais quatorze, puis vingt disciples qui s'assemblèrent à demeure autour du Maître, et Narupa ne parvenait plus à se placer à ses côtés comme au début, mais il était souvent relégué au fond, ne le voyant plus qu'à peine. C'étaient toujours les derniers arrivés qui s'asseyaient tout près de lui et qui monopolisaient son attention. Cela il l'acceptait volontiers tant qu'ils n'en faisaient pas état. Mais quand certains lui semblèrent l'agresser, lui faisant comprendre qu'il ne comprenait rien à l'enseignement, ou alors défaisant toutes les offrandes qu'il venait de préparer pour les réorganiser à leur manière, alors il se sentit sombrer.

            C'est alors qu'étonnamment il commença à voir les choses différemment. 
         Et s'il n'y avait jamais eu en fait, que lui et le Maître dans la pièce où celui-ci recevait ? Et si tous ces visages, tous ces êtres venus constamment plus nombreux et plus assidus, n'étaient que des aspects de lui-même ? Certains, très disciplinés ; d'autres, s'affichant avec le Maître comme s'il était leur meilleur copain ; d'autres, trop timides ; d'autres, très réservés et parfaitement intériorisés ; d'autres, très sûrs d'eux, futés et finauds ; d'autres, perturbés et mal à leur aise ; d'autres, jouant les ascètes et se drapant de mystère ; d'autres, un peu perdus ; d'autres, très émus et plutôt attachants... Tout cela, des figures de sa propre psyché, qui en interagissant avec le Maître l'éclairaient sur lui-même et sur ses propres doutes ?

         L'écoute alors dépassait celle du Maître lui-même ; elle s'étendait à l'observation de toute cette petite communauté au sein de laquelle cependant il fallait qu'il s'affirme afin de n'être pas tout à fait englouti, le Maître semblant ne plus lui accorder d'attention particulière mais accordant strictement la même à tous, ou même l'attaquant parfois publiquement, ce qui attirait sur lui une attention plutôt négative dont il avait du mal à émerger.

         Et voici qu'un jour il se produisit une chose étrange.

          Ce jour-là il faisait très chaud, et après une longue réunion de travail à l'ombre d'un figuier, le Maître proposa à ses auditeurs de se rendre à la ville voisine afin de s'y restaurer et de s'y rafraîchir. 

            Tous y partirent, le Maître ayant assuré qu'il les y suivrait peu après.

           Narupa constata avec consternation que certains avaient déjà défini les places de manière à monopoliser eux-mêmes celles entourant le Maître.

         Cependant il convint aussi d'une chose : il voulait pouvoir le voir et l'entendre, mais se sentait indigne d'en être trop près, et incapable de lui tenir conversation. Il était donc placé selon son voeu.

       Malheureusement lorsque le Maître arriva et parla comme de coutume de préférence avec les nouveaux venus, installés face à lui, le bruit qui régnait dans la taverne l'empêcha d'en entendre le moindre mot malgré ses efforts pour tendre l'oreille.

         À la fin du repas, n'étant pas très loin de la porte de l'établissement, il sortit le premier et attendit les autres. Un gentil camarade - un alter ego pourrait-on dire - le rejoignit bientôt et engagea avec lui la conversation, se mettant également en devoir de guetter le passage du reste de la troupe.

        Mais le temps s'écoula, des gens entrèrent et sortirent de la taverne, sans que n'apparaissent leurs compagnons.

         Finalement, incommodé par la chaleur, l'ami proposa à Narupa de retourner au figuier et d'y attendre le Maître bien à l'ombre, ce que celui-ci accepta volontiers.

     

    Bouddha et disciples

     

          Or, lorsqu'ils y parvinrent, quelle ne fut pas leur surprise de découvrir que tout le groupe y était déjà rassemblé !

        Comment y étaient-ils arrivés ? Personne n'avait vu personne ! Restés à scruter la sortie lui et son compagnon n'avaient vu paraître ni le Maître ni ses disciples, et ceux-ci n'avaient pas davantage remarqué Narupa et son camarade les attendant....

           Où étaient-ils donc restés ? Par où étaient-ils donc passés ?!

          Étaient-ils dans le même monde qu'eux ?

          Existaient-ils seulement ?...

          Les Paroles du Maître revinrent alors résonner aux oreilles de Narupa.

    « Lorsque vous partez, tout disparaît.
    Pour moi le monde n'existe pas ; il n'apparaît à mes yeux que dans la mesure où je veux être là pour vous. »

    Ou encore :

    « J'ignore comment tu me perçois. »

            Soudain Narupa se mit à penser que ce groupe, ce n'était pas seulement une image de lui-même, mais aussi une image du Maître ; et que si ces visages étaient des projections de lui-même, à plus forte raison le Maître ne pouvait avoir que l'aspect qu'il lui prêtait lui.

          Pendant longtemps il avait eu si peur de le voir disparaître, à force de l'entendre dire :

    « Je n'existe plus sur cette terre ; je n'apparais que pour vous.»

        Pendant longtemps il s'était extasié de la compassion du Maître pour avoir choisi une apparence qui lui plaisait tant ! Et voici que soudain il découvrait que le Maître n'avait rien choisi du tout pour lui, mais que c'était lui-même qui lui conférait cette apparence. Il le voyait ainsi parce qu'il le voulait ainsi. Mais en réalité le Maître n'avait pas d'apparence ! Le Maître était sans visage et ses disciples avec lui !

         Cette étonnante disparition lui rappela que jamais il n'avait vu le Maître en dehors des moments précis où celui-ci leur donnait rendez-vous, ni des endroits précis où cela était prévu.

          Où vivait le Maître ? Quelle apparence pouvait être la sienne ? Quelle importance cela pouvait-il bien avoir ?

        Était-il le premier arrivé parmi ses disciples ? Le dernier ? Mais les disciples apparaissaient et disparaissaient avec lui, alors quelle importance cela pouvait-il avoir ! Il n'y avait là ni premier, ni dernier ; ni plus proche, ni plus éloigné ; ni visage, ni apparence.


         Enfin, enfin, Narupa était peut-être prêt à laisser tomber tous ces visages, toutes ces apparences, qui n'étaient jamais que des masques : l'ego en roi du travesti cherchant mille manières de le piéger !

         Et à écouter vraiment la Parole du Maître, celle qui ne découle pas d'une bouche ni d'un visage mais s'adresse à lui et uniquement à lui, dans le secret de son cœur.

     

     

    Lotus

     

     


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