• Connaissance et Réalité

     
        Dans La Journée de l'Existence, son oeuvre majeure (ou du moins de lui préférée), Ivan Wyschnegradsky évoque ainsi l'éveil de la pensée chez l'être humain :

       Et la pensée s’éveille :
       Calculer, mesurer, comparer,
       Concevoir, pénétrer les causes…
       Dominant les choses, donnant des noms aux choses,
       Par la force de la volonté consciente créant des choses nouvelles.

     

           « Donner des noms aux choses », oui, c'est vraiment là l'un des moyens les plus sûrs qu'ait trouvés la pensée humaine pour étiqueter, et dirais-je même "déchiqueter" les choses, c'est à dire les réduire à une infinie multiplication afin prétendument de les classer - mais que classe-t-on ?  - ou de les décrire - mais les connaissons-nous mieux par la description ?

     

    Connaissance et Réalité

     

        C'est l'irruption du langage ; et comme tout se multiplie à l'infini les langues aussi se multiplient à l'infini, si bien qu'en fin de compte rien ne veut plus rien dire dans l'absolu, un même mot pouvant avoir des sens différents suivant la langue dans laquelle on l'emploie.

    Connaissance et Réalité

     

          C'est la "babélisation"... Et cette fois on ne multiplie pas les choses en les découpant en parcelles, mais on multiplie les concepts et les images mentales qui s'y rattachent.  


    *  *  *

          Je pensais à cela ce matin en écoutant la radio dans ma voiture. Une musique se diffusait et je me souvins d'une question que me posa ma mère alors que j'avais 9 ou 10 ans et qui m'avait laissée totalement ahurie :

         «  Est-ce que les notes te disent leur nom ? »

         Je lui fis préciser sa pensée plusieurs fois : Quoi ? Ça parle, des notes ??

          Elle répondit évasivement : Pas grave, tu verras plus tard...

          En attendant, habituée à être la meilleure et la plus forte en tout, j'enrageais à l'idée de ne pas entendre les notes "me dire leur nom"... C'est magique, non ? C'est comme d'entendre parler les morts ou de voir des fantômes ? "On voit toutes sortes de choses sur la terre", dit le Renard (Saint-Exupéry, le Petit Prince)...  

     

    Connaissance et Réalité

     

           Bref, il se trouvait qu'aujourd'hui évidemment les notes me les disaient, leur nom, et même que j'étais furieusement habituée à fouiller dans ma mémoire pour réagir illico à toute mélodie entendue en débitant son titre et son auteur... Tatata ! Le mental tire plus vite que son ombre, quand il est bien entraîné. Je parle pour ma paroisse mais il n'y a qu'à voir tous les jeux télévisés, où les tiroirs de mémoire qui s'ouvrent par magie sont légion dans tous les domaines de la vie sur cette terre.

         Cependant, si j'avais débité ces noms de notes à un américain, qu'aurait-il compris ? Il n'emploie pas les mêmes ! Et à un asiatique ? Ou à un africain ? Cela l'aurait bien fait rire... Pourtant la musique demeure la même. Je peux même la reproduire sur un instrument ou la chanter sans les connaître, ces "noms" de notes.

         Les noms sont des codes, des repères, mais la musique n'en a pas besoin pour être. Au Brésil, en Afrique noire, des milliers de musiciens improvisent et n'ont besoin d'aucun nom pour cela, pas même pour leur instrument. Comme le disait Mozart en se tapant le front à celui qui venait lui réclamer son Requiem, à la fin du film de Forman : 

            «   Tout est là ; le reste, c'est que du gribouillis   » 

     

    Mozart- Forman

     

         Et puis je me souvins de cette antienne que j'avais chantée en grégorien dans la Basilique Saint-Pierre de Rome en 1967 lors du pèlerinage pascal des chorales liturgiques de France auquel j'avais participé et qui m'avait alors tant conquise (on n'accomplit pas un tel voyage sans en recueillir quelques fruits !) :

          « Quasimodo geniti infantes, rationabiles, sine dolo lac concupiscite. »

      «  Comme des enfants nouveau‐nés, raisonnablement, désirez le lait sans malice...» 

                Il faut redevenir aussi naïf qu'un tout petit pour goûter pleinement la saveur de la vie.
              Voici d'ailleurs le texte exact en français du fragment de l'épître de Pierre dont est tirée cette antienne :

        «  Comme des enfants nouveau-nés désirez le lait non frelaté de la Parole, afin que par lui vous croissiez dans le salut, si du moins vous avez goûté combien le Seigneur est excellent. » (Pierre épître 1, 2-2)

          Goûter à la Source, n'est-ce pas notre rêve à tous ? Tout naturellement, sans se donner le moindre mal...

     

    Rome-Basilique saint Pierre

     

     

    « Issoudun au soleil d'automneLa Lune »

  • Commentaires

    1
    Jeudi 15 Janvier 2015 à 07:16

    Une telle page de lecture ..........aide à démarrer le jour qui se lève yes

    Bonne journée 

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