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           Quelques quatrains de Rûmî aujourd'hui, pour nous rappeler que quoi qu'il paraisse, nous baignons dans la Lumière. Quoi qu'il semble survenir, nous sommes en Paix.

        L'agitation possible de notre esprit qui s'inquiète, anticipe, s'affole, projette, suppose, n'est que le même tourbillon qui agite les éléments, comparable à un assaillant qui surgirait armé de cent épées acérées... Il n'a en fait aucune incidence sur notre Être intérieur, réel, qui demeure à jamais immaculé et parfaite sécurité...

     

    Rumi dansant

     

    Dans la pauvreté spirituelle, sois tout à fait pauvre, et dans la puissance, sois pur ;
    Armé de pauvreté et de pureté, viens au combat.
    Si ton ennemi se vante de posséder cent épées,
    Puisqu'il ne voit rien, où peut-il frapper ?


       Je pense que vous avez compris de quel combat il s'agit et de quel ennemi. Mais pourquoi ne voit-il rien ?... Poursuivons.


    Ce visage invisible, dont l'ennemi a entendu parler
    Et auquel il pense par analogie (avec lui-même)
    Est devenu manifeste comme le soleil :
    Où qu'il tourne son regard, l'ennemi ne le voit pas.


        Bien sûr ! Tout le monde sait que « l'Essentiel est invisible pour les yeux ». Vous savez donc où est l'ennemi ! Continuons...


    Si tu regardes l'extérieur, tu vois le visage de l'homme,
    Tu vois les créatures étranges de Byzance et de Khorassan.
    Dieu a dit : « Retourne-toi », et se retourner, c'est ceci :
    Regarder à l'intérieur, pour voir autre chose que l'homme.


       Ce Retourne-toi, on le traduit trop souvent par convertis-toi ou pire : repens-toi (je dis "pire" à cause du jeu de mots qui rappelle le désespoir de Judas). Mais on le retrouve pourtant dans les "Leçons de Ténèbres" (adaptations des Lamentations de Jérémie qui étaient chantées au XVIIe siècle au temps pascal) sous cette forme constamment répétée :

    Jerusalem, convertere ad Dominum Deum Tuum.
    « Jérusalem, tourne-toi vers le Seigneur Ton Dieu. »

       Voyons donc maintenant clairement ce qui attend celui qui réussit à se retourner vers le dedans de lui-même.

    Les neuf cieux sont les esclaves de notre nature autoritaire,
    L'existence est le ferment de la non-existence.
    De l'autre côté du voile se trouve quelqu'un qui est notre Mère ;
    Ce n'est pas nous-mêmes qui sommes venus, c'est notre ombre.


       Et qu'est-ce qu'une ombre, sinon l'inexistant ?...


    Veux-tu que se dévoile pour toi l'existence du Bien-Aimé ?
    Renonce aux apparences, pénètre le réel.
    Bien des voiles cachent Son essence !
    Il est immergé en Lui-même et les deux mondes sont immergés en Lui.


       Voyez que Celui qui plus haut est nommé Dieu, peut aussi être nommé Mère, puis Bien-Aimé... Tant de termes conviennent pour l'Innommable ! Mais voici pour finir le miracle dévoilé :


     La vision de ce Visage qui pour toi est Regard
    Est pour nous la Lumière du cœur et des yeux ;
    Ce même Visage qui, de l'aube de l'Être jusqu'à l'éternité,
    Ne cesse un seul instant de regarder ton visage...


    Quatrains extraits du livre Rubâi'Yât déjà cité 

     

       ... Et dans ce cas, ne baignons-nous pas en permanence dans la douce Lumière de la Paix ?

     

    Visible-invisible

     


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             Voici un autre poème de Rûmî dans un genre moins didactique, plus personnel.

           Je ne sais pas d'où il est tiré car je l'ai trouvé incidemment sur le net, et en anglais.

              Mais quelle beauté !

     

    Lune se levant sur la mer

     

    Je suis saturé de nuits sans sommeil,
    De ma douleur muette,
    De ma sagesse fatiguée.
    Viens mon Trésor,
    Mon Souffle de Vie, viens et panse
    Mes blessures et sois mon remède.
    Assez de mots.
    Viens à moi sans un bruit.


    Assez de mots.
    Viens à moi sans un bruit.

    Viens mon Maître, viens, ne te détourne pas de moi,
    Viens ma Lune traîtresse !
    Vois cet amant triste et assoiffé,
    Viens mon Roi ivre !


    Tu es ma vie, mes sens, Tu es tout !


    Sois la Lune qui se lève dans mes nuits noires,
    J'ai soif de ta Lumière.
    Prends mes mains, vois par mes yeux,
    Entends par mes oreilles.
    Tu es l'âme de tout ce qui vit.


    Viens, reviens danser comme les rayons du Soleil
    Et chasser les ombres.
    Tu es la bannière du Monde Nouveau
    Et l’esprit est à tes pieds.


    Reviens mon Amour,
    Mon cœur brisé ne peut supporter plus de passion,
    Plus de promesses.


    Je suis saturé de nuits sans sommeil,
    De ma douleur muette, de ma sagesse fatiguée.
    Viens mon Trésor, mon Souffle de Vie
    Viens et panse mes blessures et sois mon remède.


    Assez de mots.
    Viens à moi sans un bruit.


     

    Fontaine

     

     


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    Rebondir

     

     

        L’esprit saute à trampoline pour atteindre le ciel.

       Se faisant rebondir il va toujours plus haut. Il croise des oiseaux, il longe des nuages et il exulte !

       Mais toujours il retombe, jouet de la gravité. Il s’efforce de rebondir car il cherche le ciel ; mais il retombe encore, s’épuise et se meurtrit, et pleure…

     

       Alors il s’interroge : comment le Fils de l’Homme est-Il monté au Ciel ?

     

       Je vais vous confier un secret : le Fils de l’Homme n’est pas monté du tout.

       C’est juste l’esprit qui a cessé de bouger, cessé de bondir, cessé de chercher ; et le monde qui a soudain disparu, s’est dissipé tel un brouillard...

       Comme la marée en refluant laisse apparaître les merveilles qu'elle avait voilées, ainsi l'esprit se retirant a laissé le Fils de l’Homme soudain resplendir dans sa nudité Vraie, résorbant toute trace de ce qui n’était pas Lui.


     

    Ascension

     

     


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  •         Un paragraphe de l'Avadhuta Gîta - qui est l'un des textes fondateurs de l'Advaïta Vedanta, rédigé pour certains au IXe s. de notre ère (voir ici la présentation qu'en fait Wikipedia) mais remontant pour d'autres à près de 5000 ans avant celle-ci (lire ici le texte complet sur le site Innerquest) - m'a particulièrement frappée.

          C'est le 15e du second chapitre de ce Chant attribué à Dattatreya. Après avoir évoqué ce qu'est le "Soi", le sage essaie dans cette partie d'indiquer comment percevoir la Réalité derrière les apparences trompeuses.

    «   Cachée dans le champ de l'éternelle conscience, se trouve la cause du monde. Au sein de cette cause est la Réalité. La coque de la noix de coco figure le monde, la pulpe sa cause, l'eau sucrée et rafraîchissante contenue dans la pulpe est la Réalité.  »

    (Avadhuta Gîtâ II-15, trad. Innerquest)


           Ce message m'a d'autant plus frappée que je réécoutais le Psaume 47 mis en musique par Florent Schmitt (ici sur youtube) dont la seconde partie m'a semblé comme faire écho à cette évocation.

     

    Il a choisi dans son héritage la beauté de Jacob,
    qu'il a aimé avec tendresse.

      Ps 47-5

           Telle est la traduction retenue dans l'oeuvre musicale, non identique il est vrai à celle de la Bible de Jérusalem où l'on lit "pour notre héritage", et "l'orgueil de Jacob, qu'il aime" mais moins éloignée de ces autres traductions trouvées sur le net.

          En effet, ce passage me ramène à l'épisode de la Genèse (chap.27) où Isaac devenu vieux souhaite bénir son fils aîné afin de lui transmettre l'héritage reçu de Dieu. Or Esaü est velu, attaché aux biens matériels et Jacob, beaucoup plus fin, est plus proche du Seigneur. Il a déjà racheté son droit d'aînesse à son frère qui le lui a volontiers laissé ; et cette fois, avec l'aide de sa mère, il va se faire passer pour Esaü afin d'obtenir la bénédiction d'Isaac. Pour cela, il lui faudra avoir l'air velu comme son frère, en se couvrant de peaux de bêtes... Ceci ne vous rappelle-t-il pas la chute d'Adam et d'Eve ? L'Enfant immaculé de Dieu - Adam et Eve à la fois masculin et féminin - est tombé dans le monde matériel à cause du désir et est devenu velu, semblable à une bête.

     

    Luca Giordano - Isaac bénissant Jacob


          Cette peau grossière et épaisse au toucher permet à Isaac, "aveugle" (au monde spirituel ?) de reconnaître son fils. Et elle me fait  bien sûr songer à l'écorce de la noix de coco, qui est elle aussi velue ! Celle-ci cache au profane la "beauté" véritable, la "gloire" de l'Enfant que Dieu a engendré et chérira toujours, la seule Réalité Vivante, cette "substantifique moelle" présente au cœur du fruit ou cette Lumière que Jésus recommande de ne pas cacher sous le boisseau (Matthieu, 5-15) - c'est-à-dire de ne pas laisser recouvrir par l'écorce des apparences trompeuses.

     

     


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  •          L'actualité est terrible en ce moment.

             Aussi je vous propose cette réflexion.

      

    Amour

      

            Pour offrir une flamme qui éclaire et réchauffe, la mèche doit brûler et la bougie s'anéantir progressivement.

             De même la Conscience qui nous anime tous, pour devenir pur Amour, a besoin de notre douleur et de notre anéantissement.

     

          L'univers manifesté fonctionne sous la loi de la dualité cause-effet : les contraires s'engendrent mutuellement en une roue perpétuelle.

        Ainsi depuis toujours la violence sous toutes ses formes est-elle présente pour permettre l'éclosion de l'altruisme, de la générosité et du dépassement de soi.

     

            Le monde aujourd'hui a tissé par les médias une toile immense qui relie entre eux les êtres, et face à l'adversité qui frappe durement de toutes parts on découvre une force de cohésion et d'amour si puissante qu'elle semble avoir réellement dessiné le visage lumineux de l'Humanité, transcendant définitivement ces contraires.


           Peut-être cette musique peut-elle servir d'hommage à tous ceux qui souffrent, car elle a été composée par un homme profondément mystique en une période de grande souffrance : "Land of the angel", de Paul Sauvanet ; l'auteur avait perdu l'usage de ses jambes et l'ange qu'il évoque parle une langue qui n'existe pas... mais cependant le soutenait dans l'épreuve.


     


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