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    Il parle

    Il est l'Innocence même

     

    Sa bouche

    Ce qu'il y a de plus ténu

    De plus imperceptible

     

    Il dit :

    « Vois ! »

    Et tu

    Vois

     

     

    Le Petit Prince - Saint-Exupéry

     


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         Les désillusions de l'existence nous conduisent tôt ou tard à lui chercher un sens. Mais qu'est-ce qu'on appelle sens ? Est-ce une signification, ou plutôt une direction ? 

         Et s'il s'agit de "direction", il y a encore deux acceptions possibles : est-ce se diriger vers, ou être dirigé par ?

         La vie nous mène donc à des choix. Et nous découvrons que réfléchir sur ces choix nous conduit à tourner en rond, et que tourner en rond nous conduit toujours à cette même conclusion : "être dirigé par..." serait la bonne réponse. Car il est indéniable que comprendre le sens ou se diriger vers répondent tous deux à une attente, à un désir ou à une opinion préalables : il y a donc quelque chose qui nous mène. 

         Mais QUI nous mène ? Et OÙ ?

     


    Rajneesh-08-L'art d'être disciple

     


         Dans notre vie, des signaux apparaissent. Certains sages affirment qu'il y a un maître intérieur qui nous les envoie afin de nous guider.

        C'est en tous cas le message délivré par la carte l'Art d'être disciple du Tarot de la Transformation d'Osho Rajneesh. Vous en avez l'image ci-dessus, et en voici le commentaire.
     

         «   Lorsque le grand mystique soufi Hassan fut sur son lit de mort, quelqu'un lui demanda qui avait été son maître. Hassan lui répondit :

        - J'ai eu tant de maîtres que citer leur nom prendrait des années. Il est trop tard à présent. Je vais cependant vous parler de trois d'entre eux.

           Le premier était un voleur.

          Un jour, je me perdis dans le désert. Lorsque j'atteignis enfin un village, il faisait nuit noire et les habitants étaient couchés depuis longtemps. Un seul homme était encore debout, occupé à percer la porte d'une maison. Je lui demandai s'il pouvait m'indiquer un endroit où passer la nuit.

          - Vous ne trouverez plus rien à cette heure-ci, me répondit-il, mais si vous n'y voyez pas d'inconvénient vous pouvez venir chez moi. Je suis un voleur.

          Cet homme était remarquable. Je suis resté un mois entier sous son toit. À la nuit tombée, il m'annonçait :

         - Je vais travailler. Reposez-vous et priez.

         À son retour je lui demandais si tout s'était bien passé. Il me répondait à chaque fois :

          - Cette nuit je n'ai rien trouvé. Demain peut-être, si Dieu le veut...

          Jamais je ne l'ai vu se décourager. Il était toujours content.

          Pendant des années j'ai médité sans interruption. Rien ne se produisait. Souvent j'ai été au bord du désespoir et à deux doigts de tout laisser tomber. Au dernier moment, je me rappelais ce voleur et les paroles qu'il prononçait en rentrant chez lui après une nuit infructueuse : " Demain je réussirai, si Dieu le veut."

    * * *

         Le deuxième maître dont je veux vous parler était un chien.

         En m'approchant d'une rivière pour me désaltérer, je vis un chien assoiffé comme moi. Il se pencha sur l'eau et fut effrayé par son reflet. Il aboya et recula. Mais il avait tellement soif qu'il revint. Malgré ses craintes, il sauta dans l'eau. L'image redoutable disparut immédiatement. 

          Je compris que Dieu me faisait parvenir un message : "Saute en dépit de ta peur."

    * * *

            Le troisième maître était un petit garçon.

            Il se rendait à la mosquée, une bougie allumée à la main. J'eus envie de l'instruire. 

            - As-tu allumé la bougie toi-même ? lui demandai-je.

           - Oui, monsieur, fut la réponse.

           Je poursuivis :

           - Ainsi donc, cette bougie qui n'était pas allumée est devenue une bougie allumée. Peux-tu m'indiquer la source de la lumière ?

          Le garçon se mit à rire et souffla la bougie :

          - Vous avez vu la flamme s'éteindre, me dit-il. Où la lumière est-elle partie ? Dites-le-moi !

           Mon ego eut le bec cloué, toute mon érudition s'écroula. Je compris soudain ma propre stupidité et renonçai à prétendre savoir quelque chose.

         En vérité je n'ai pas eu de maître déterminé. Cela ne signifie pas que je ne fus pas un disciple. J'ai accepté l'existence tout entière comme maître.   » 

    Osho Rajneesh, le Tarot de la Transformation,
    éditions Le Voyage Intérieur, 1991

     


               Dans mon existence, j'ai eu moi aussi beaucoup de maîtres.

          Ce furent d'abord des lectures. Lectures fortuites, émanant de l'éducation que j'ai reçue, de conseils de proches ; puis orientées au fil des découvertes, de plus en plus orientées.

        Mais il arrive un moment où les lectures ne suffisent plus, car on comprend très vite que l'esprit est comme un tonneau des Danaïdes qui ingurgite puis régurgite aussitôt, et oublie systématiquement ce qu'il a absorbé avec tant d'avidité.

          On cherche alors un enseignement direct.

         Et il y eut des apprentissages, des stages...  Des exercices, des postures, des efforts en tous genres et en tous domaines. Des écritures, des expériences, des vécus...

          Mais que cela apporte-t-il, si ce n'est une légère "amélioration" de la vie au quotidien ? Sur le moment, de grandes satisfactions bien sûr : toute expérience nouvelle et gratifiante exalte le sentiment de bien-être et apporte paix et confort au narcissisme. Avoir réussi dans une entreprise rassure.

           Mais cela ne suffit pas non plus, et rapidement le sentiment du vide intérieur réapparaît. Je croyais avoir saisi la clef d'une existence heureuse et je me trompais.

          Or, dès que l'appel intérieur retentit, un nouveau maître apparaît : et cette fois cela devient évident car puisque les livres et les stages n'ont pas suffi, il est maintenant en chair et en os !

          De nouvelles informations sont données ; de nouveaux efforts sont demandés.

           Mais qui répond à cet appel ? Le mental a dévoré tous les livres, en vain... Que peut-il saisir en vérité ? Le corps s'est plié à tous les exercices, en vain... Que peut-il découvrir qu'il ne connaisse déjà ?

           Les émotions, les sentiments, les désirs se sont échoués dans un vaste fiasco.

         Il reste à savoir qui se rebelle encore ; qui refuse l'enseignement donné et en cherche toujours un autre ailleurs, et encore ailleurs... Qui ne comprend pas pourquoi il n'obtient pas ce qu'il cherche.

             Pourquoi s'est-il jadis jeté sur un enseignement puis tout d'un coup arrêté net en déclarant : "C'est bon maintenant, j'ai appris suffisamment, je n'ai pas la possibilité d'aller plus loin" ?

           Et pourquoi maintenant se met-il au désespoir en s'écriant : "Je ne pourrai jamais réussir dans cette voie !! "

            Nous en arrivons à une étape où c'est la Vie elle-même, en créant des situations de toutes sortes comme le montre Osho à travers le récit ci-dessus, qui devient le Maître, faisant face comme un Roc inébranlable aux simagrées et pleurnicheries de l'ego coincé dans ses propres attentes et ses propres peurs.

            Que faire ? Que vouloir ? Si tout est fait et voulu par l'ego, alors la réponse est : Rien. La réponse est de passer à la voix passive : être fait ; être voulu... c'est-à-dire accepter sans condition et sans état d'âme tout ce qui se présente.

         Le chien qui se rit de lui-même et saute dans la rivière est un exemple exceptionnel ! Mais encore faut-il reconnaître la rivière... et voir qu'il y a un reflet qui effraie... et savoir sauter... alors qu'ego vous fait tourner le dos avant même d'avoir vu !!

           ... Mais au fait ; si vous avez tourné les talons, c'est que vous saviez...

     

    Little Buddha-extrait

     
          ... Et que contrairement à ce chien et à Gautama dans l'extrait du film "Little Buddha" photographié ci-dessus vous avez fui votre propre visage, votre vérité !

          Le fait que vous n'étiez rien ; rien qu'un reflet, qu'une illusion ; une simple image se mouvant avec toutes les autres sur le film de l'existence...



    (Ryuichi Sakamoto - Acceptance

    Générique final du film Little Buddha - extrait)


    «  Shariputra, les formes ne sont pas différentes du vide *,
    Le vide n'est pas différent des formes ;
    Les formes sont le vide, le vide est les formes ;
    Il en va de même des sensations, des perceptions, des constructions mentales et de la conscience... »

    Extrait du Sutra du Coeur,
    un des textes fondamentaux du Bouddhisme mahayana.


    * Note : Elles sont vides de réalité intrinsèque car impermanentes,
    en perpétuel mouvement, mouvantes comme les vagues de l'océan
    ou comme des reflets sur l'eau. 
    Le mot sanskrit Shunyata signifie "vide", tandis que le mot Rupa 
    signifie "forme".

         

             


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  •     Pour ceux que mon long bavardage d'hier auraient un peu déroutés, et parce qu'en toutes choses il faut savoir garder le sourire, voici une petite vidéo rigolote qui illustre à merveille mon propos. 

     

           En effet, elle montre de façon parfaite les contorsions de l'Ego cherchant à atteindre l'Illumination !!

         À noter qu'à la fin il semble "lâcher prise", bien sûr. Mais l'Illumination - si l'on peut appeler ainsi l'Éveil véritable - n'est pas pour lui. Il faut bien qu'il se le dise. 

      Et ce n'est pas un gâteau ! Ça ne s'attrape pas comme un objet de consommation ni même comme un diplôme décerné au plus méritant ! À la rigueur la comparerait-on à la "substantifique moelle" de Rabelais, soit à "ce qu'il reste quand on a tout oublié".

         Autrement dit : quand il n'y a plus d'ego - plus de Cochonou - pour la chercher...

     

     




       Comme  certains me disent que je suis la seule à voir la vidéo que j'avais postée ici laborieusement, après l'avoir téléchargée comme anonyme et réintégrée sur internet à mon nom, je me suis retroussé les manches pour en trouver l'auteur (signalé en fin de film) et de fil en aiguille ai fini par retrouver l'original sur youtube. Ainsi vous pourrez peut-être la voir !

     

     


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         La quête de la Vérité peut être comparée à un homme qui a soudain l'impression de ne pas voir clairement et se rend chez un opticien pour obtenir des lunettes.

     

    Optique-image Dreamstime

     

          Celui-ci lui pose alors sur le nez un drôle de petit appareil métallique assez lourd, dans lequel il va insérer successivement des verres ronds qu'il va changer, infléchir, disposer de façon variée.

           - Et là, c'est mieux ? dit-il... Et comme ça, c'est mieux ou moins bien ? 


     °   °   °


          L'homme passe par une série d'expériences de tous ordres qui lui présentent les choses plus ou moins floues, plus ou moins distordues, plus ou moins colorées lui permettant une appréciation toujours plus complexe et plus affinée de leur nature.

             Ces verres symbolisent  d'abord les études dans lesquelles il se lance...


    Etudes spirituelles



            En effet il est persuadé que la Vérité est quelque chose de très éloigné, qu'on ne trouve que dans de très anciennes traditions comme la Bible ou les ouvrages des Alchimistes. Il faut donc pour la trouver fournir de gros efforts intellectuels et bien sûr être particulièrement favorisé par une naissance qui vous y mène culturellement. Il se réconforte à l'idée d'être un élu, une sorte de Docteur Faust à qui est assuré un succès solitaire et exceptionnel.

          Mais plus il étudie, et plus le but de sa recherche lui paraît s'éloigner. Plus il approfondit son sujet, et plus celui-ci se complexifie. Plus un arcane lui semble plausible, et plus mille autres arcanes se présentent pour le contredire.

          Le verre proposé est donc complètement opaque ! Il ne voit rien à travers ces lunettes... Et l'opticien lui en propose d'autres, qu'il module plusieurs fois devant ses yeux en lui offrant un ballet de courbes gracieuses.


    Lecture


         Ce nouveau jeu de verres est à l'image de lectures beaucoup plus accessibles : des livres qui viennent d'être écrits, par des auteurs encore éloignés par rapport à lui ou récemment décédés mais déjà tellement plus proches de son vécu que notre ami s'y plonge avec délices !

             Un instant il y voit nettement plus clair. Ces ouvrages lui plaisent. Il y croit. Il pense que leur absorption par son esprit suffira à changer radicalement sa vie.

         Hélas cela ne fonctionne pas... Dès le livre achevé, la sensation de victoire et de compréhension qu'il suscitait disparaît. Ce que l'auteur présentait de façon si limpide ne s'adapte pas au quotidien de notre chercheur, car il ne peut le maintenir présent à sa pensée, l'intégrer à son expérience personnelle.

            Le verre ne convenait pas, la vision reste distordue et il faut en trouver un nouveau, encore plus fort.

              - Essayons celui-là, propose alors l'opticien.


    Méditation



           Le nouvel appareillage  pourrait s'apparenter à une mise en pratique des théories étudiées ou lues. Puisque qu'avaler mentalement ne suffit pas, notre personnage passe à l'action ! Il décide de tout mettre en oeuvre pour appliquer ce que préconisent les auteurs qui l'ont séduit.

           Plein d'enthousiasme à l'idée de voir se rapprocher de lui ce qu'il pensait à l'origine être si éloigné, il achète des objets lui permettant de s'investir totalement dans cet effort : un coussin de méditation, des encens ; un tapis de yoga, des huiles essentielles...; des pierres, un pendule, des tarots ... ; ou encore des croix, des icônes, des chapelets. Il s'inscrit à des stages, des retraites, des séminaires. Il suit des thérapies, des cours, se paie des sessions de transformation de soi. Il effectue des pèlerinages, s'offre des voyages vers des lieux sacrés, croit en le pouvoir d'un bain de nature vierge. Cela le nourrit intensément,  cela le passionne ! Il cherche à appliquer dans son quotidien des techniques de contrôle de la pensée, fait confiance au travail intérieur.

          Mais le verre n'est toujours pas adapté... La vision ne vient pas !

       Toutefois il peut se sentir bien avec ces verres-là. Les trouver confortables, esthétiques. S'arrêter totalement de chercher et choisir d'apprécier la vie qu'il mène ainsi, heureux avec une vision des choses plus colorée, plus chaleureuse et plus riche.

        Après tout, bien d'autres s'en contentent ! Même si en lui demeure une impression d'inachèvement, il peut baisser les bras... du moins pour un temps, et tant que ne survient pas dans son existence un événement catastrophique propre à lui faire remettre en question tous ses acquis...

     

           Mais il peut aussi vouloir davantage.

         Et se réveiller soudain à nouveau avec l'impression que d'autres voient beaucoup mieux que lui ! La gamme de sa vision est incomplète, cela lui devient évident : autour de lui des témoignages de la Vérité incarnée affluent, se rapprochent... Ils ne sont plus dans le passé ; ils ne sont plus à des milliers de kilomètres ; ils ne sont plus étrangers ; ils lui apparaissent ! Autrement dit, le verre dont il s'était contenté s'avère présenter une grosse tache obscure en plein milieu qu'il n'avait même pas remarquée. 


    Ecoute de la Parole



          Un nouveau filtre est enfin offert à son regard : celui de l'écoute. L'écoute de la Parole perdue...

         Il a rencontré un être réalisé ; un être dont la puissance fulgurante l'attire irrésistiblement. Puissance bien invisible pourtant puisqu'elle ne se voit pas, bien au contraire ! Alors, qu'a-t-il bien pu percevoir à travers cette fenêtre déposée sur son nez ? C'est la question qu'il se pose !

          Par l'écoute, il lui est proposé de ressentir ; par l'attention fervente, d'absorber une qualité nouvelle, inconnue ; par la fréquentation, de se laisser imprégner d'un mode d'être qui lui échappait jusqu'alors.

         Mais la Vision se transmet-elle par simple contagion ? Hélas non, ce n'en est qu'une approche différente. Cependant ajoutée aux précédentes elle est plus vive : ses yeux le piquent maintenant !

     

          C'est la proximité qui compte ; c'est le fait que ce soit là, juste là, devant.

          Qu'il suffise d'un pas pour la toucher, juste un... 

     

           - Et là, est-ce que c'est mieux ? dit enfin l'opticien.

     

    °   °   °

      

            Soudain tout se déchire.

            Soudain l'homme s'aperçoit qu'il joue.

            Qu'il n'y avait ni verres, ni opticien.

             Qu'il n'y a jamais eu de vision floue.

             Que simplement il rêvait... !

            Rêvait qu'il y avait quelque chose à voir ; quelque chose qu'il ne voyait pas bien. Et puis qu'il était une personne en quête d'amélioration, face à un autre disposé à l'y aider.  

             Mais qu'y avait-il là au juste ?

             Personne !

             Ou plutôt si :

     

             Partout le même, le même, le même répandu à l'infini...

            Soi-Même miroitant à l'infini sous une infinité de formes mouvantes et variées.

             Soi-Même se souriant à Soi-Même à l'infini...

     

    Ange au sourire - Reims

     

     

           


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    Mer de nuages

     

     

    Ô Diversité de tout l’Être fleurissant dans une multitude de formes,
    Se manifestant dans une multitude de formes,
    Ô éternel remous de l’Existence !

    Ivan Wyschnegradsky
    La Journée de l'Existence

     

     

     


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