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       Voici un poème superbe que Paul Eluard écrivit en regardant travailler Picasso... lui-même non moins extraordinaire à observer dans sa transe créatrice... De quel tableau s'agit-il ? Je ne sais, et l'illustration que j'ajouterai ne sera qu'un exemple sans rapport direct avec le sujet.

     

    Picasso-laguerre-lapaix.jpg
    Picasso - La Guerre et la Paix, fresque réalisée en 1952 à Vallauris

     

    Entoure ce citron de blanc d’œuf informe
    Enrobe ce blanc d’œuf d’un azur souple et fin
    La ligne droite et noire a beau venir de toi
    L’aube est derrière ton tableau
     

    Et des murs innombrables croulent
    Derrière ton tableau et toi l’œil fixe
    Comme un aveugle comme un fou
    Tu dresses une haute épée vers le vide
     

    Une main pourquoi pas une seconde main
    Et pourquoi pas la bouche nue comme une plume
    Pourquoi pas un sourire et pourquoi pas des larmes
    Tout au bord de la toile où jouent les petits clous
     

    Voici le jour d’autrui laisse aux ombres leur chance
    Et d’un seul mouvement des paupières renonce

     

    Extrait de "Poésie Ininterrompue" (1946) : Le travail du peintre.

     

       Evidemment, je ne puis m'empêcher de dédier ce poème à Tilk (Fernando Bronchal), qui avec ses origines espagnoles présente bien des points communs avec le maître !

       Et voici maintenant l'interprétation majestueuse qu'en donne Francis Poulenc, sous forme d'une mélodie avec piano ici interprétée par Noël Lee, pianiste, et Bernard Kruysen, baryton.

     

     

     

     

     

    Poulenc-au-piano.jpg

    Francis Poulenc au piano

     

     

     

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    Tes regards ont sondé ma nuit
    Les paillettes sont tombées
    L'espace d'un souffle
    D'une grande déchirure blanche
    J'ai vu flamber tes cheveux
    Et puis
    L'espace s'est déployé
    Et c'est le règne du silence
    Où se dessinent
    Des myriades d'avenirs-oiseaux
     
    Ta voix a touché mon cœur
    L'écorce a fondu
    Et d'une soudaine floraison
    L'amour en a jailli
    Dans un grand arc de feu
    Alors
    La vie s'est animée
    Et j'ai vu naître des étoiles
    Et des sourires
    Et des fusées de souvenirs
     
    Aujourd'hui que je n'ai plus rien
    Que je ne suis plus rien
    Qu'un soupir avec quelques larmes
    Regarde un peu mon âme
    Pâlie et qui hésite
    À te regarder vivre
    Regarde
    Le jour a reparu
    Où nous voyons ensemble un arbre
    Où nous voyons la mer
    Et le joyau de l'existence
     
     

     

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       Les éditions Stellamaris, lancées depuis maintenant un an et demi et basées à Brest (d'où leur nom, qui signifie "l'Étoile de la mer"), ne cessent de nous surprendre, avec des publications toutes plus intéressantes les unes que les autres.
      Orientées d'abord vers la poésie, elles ont déjà publié douze recueils de poésie dite "classique" - aux formes fixes -, et onze recueils de poésie dite "libérée" - de forme aléatoire -, ce qui n'empêche pas la rencontre de poèmes de forme classique dans les recueils de style libre, et de poèmes "libres" dans les recueils de style classique, comme nous le verrons... 

        Mais les éditions Stellamaris ne se cantonnent pas à la poésie et, accueillant les romans, les essais, les pièces de théâtre, ont déjà à leur catalogue huit ouvrages de ce type.

        En suivant le lien indiqué ci-dessus vous trouverez, non seulement le catalogue, mais aussi des critiques et analyses de tous les ouvrages publiés ; cela dit, auteurs, n'oubliez pas de vous adresser à cet éditeur ! Il offre à ses auteurs des conditions privilégiées !

     

    D-Thomas-SouvenirsduBerry.JPG

     

       Parmi les dernières plaquettes publiées, ces "Souvenirs du Berry", de Dominique Thomas, m'ont émue et ravie à la fois.
        Musicienne autant que poète, Dominique Thomas a voulu ressusciter d'anciennes formes classiques, qu'elle manie avec un charme délicieux. Cela ne l'empêche pas, comme je vous le disais plus haut, d'utiliser également des formes libres quand le cœur lui en dit, si bien qu'elle réussit à nous offrir pour chaque texte une forme qui colle parfaitement à l'idée. D'ailleurs, des formes, elle en a retrouvé de multiples ! Si bien qu'aucune monotonie ne vient traverser ce recueil dont de plus chaque poème est nourri d'une inspiration sincère, ne laissant jamais place au verbiage, à la redondance ni à ces chevilles dont bien d'autres restent trop dépendants.

        Si la première partie réunit des poèmes écrits alors qu'elle possédait une maisonnette dans le Haut-Berry, une seconde moitié nous en propose d'autres, toujours de la même grande qualité. 

        C'est pourtant de la première partie que je vous en livrerai deux extraits, l'un en vers plutôt classiques - mais personnalisés -, et l'autre en vers libres. En effet, vivant moi-même dans le Berry, j'ai adoré ses emprunts au patois, qui apportent à la musique naturelle de ses vers une saveur toute particulière.

     

    Le vieux berrichon
     

    Il s'en va, il nous quitte
    On court pour le revoir
    Une dernière fois
     

    Il est là, pathétique,
    À l'heure du dernier soir
    Il nous saisit le bras 

    Tandis que sa sœurette
    Tendrement lui répète :
    « Elle est là, La Brunette *! » 
     

    Sa fine main de vieux
    Qui remplace ses yeux
    Caresse mes cheveux
     

    Disant en berrichon :
    « Oh, mon 'ptit mouton,
    V'là qu'enfin, y v'nons ! »

     

    * "La Brunette" : surnom donné à l'auteure, qui a également les cheveux frisés.

     

    La chieuvre *

     

    C'est l'heure, ma belle
    D'aller remplir ton ventre rond
    D'herbes amères, de coquelicots
    Et de tremper ta barbe
    Dans la rosée  

    C'est l'heure d'offrir au jour
    L'arrête hirsute et rêche 
    De ton dos maigre
     

    Le soleil y accroche jusqu'au soir
    Des torches qui flamboient
    Et des halos dorés

    Autour de tes oreilles !

     

    * Chèvre, en berrichon. 

     

    chevres-cou-clair-Berry.jpg(Image tirée du site)

     

        Dominique Thomas a un site ici.

     

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  •    Pour faire suite aux "Souvenirs du Berry" de Dominique Thomas, je voudrais rappeler ici Pascal  Pauvrehomme, ce grand poète et conteur patoisant né en 1955 auquel j'ai déjà consacré un article ici.
     

     

    Pascal-Pauvrehomme-en-dedicace_PhotoNR.jpgPascal Pauvrehomme photographié par la presse en juin 2012,
    lors d'une dédicace de son dernier ouvrage.

     

       Après la magnifique "Périére à la Marie" dont le vous ai donné le texte intégral dans l'article cité, voici un autre texte de lui, tout aussi admirable par la qualité des vers qu'il sait confectionner en patois (vous trouverez après le texte un glossaire des termes et modifications de prononciation utilisés). J'ajoute qu'après la profondeur spirituelle du poème publié en avril 2008, celui-ci, qui rend hommage à l'esprit tranquille du paysan, se termine par un clin d'oeil humoristique.

     

    Ça s’est bin toujou’s fait

     

    Quanque ça vint la montée du temps,
    Sitôt qu’ l’hiver, al’ est pâssée,
    Y a mes vouésins, tu les entends,
    Qui s’ mettont à japper su’ moué :
    - Avouène ton chevau, mon vieux basiot,
    Si tu veux fini’ tes embleuves.
    T’attends l’ dégel ou t’attends l’iau ?
    Nous, ça y est, la marsèche a’ leuve.
    Moué, j’y réponds : - Bin qu’a’ leuve don’,
    Al’ est coumme vous, al’ a l’veson.
    Avant Saint-Mar’, ça y f’ra bon.
    Faites-vous-en-pas, j’ vas bin tout s’mer.
    Les embleuves ;
    Ça s’est bin toujou’s fait.

     Quanque aux bouchures défleurit l’mai,
    Les v’là déjà après tout f’ner.
    Ça l’arsemb’e une épidémie,
    Coumme la maladie d’ la faucherie.
    I’ râpont tout : pacages et prés.
    Sitôt coupé, sitôt serré.
    Ça l’a tout juss’e l’ temps d’ sécher.
    I’ vou’rint bin m’ fai’ fougaler :
    - Coupe don’ tes foins, i’ vont grainer.
    Moué j’y réponds, sans m’ameiller :
    - Faites-vous-en-pas, j’ vas bin tout f’ner,
    Mes bêtes auront bin d’ l’apidance,
    A’ z’ont jamais pâti d’ la panse.
    A’ pren’ra bin l’ temps d’ vous faucher,
    Celle-là du champ des allongés.
    Les foins ;
    Ça s’est bin toujou’s fait.

     

    Quanque su’ les blés, la paille jaunit,
    Dans les jambes i’ z’ont des froumis.
    Tant pire si l’grain, il est pas mûr,
    Faut tout couper, l’ temps yeu’ dure,
    Sans décesser, à pleines bordées.
    Ça prend pas guère l’ temps d’ graisser.
    Les jours, les v’là p’us assez longs,
    Minme dans la nuit, i’ bourdonnont.
    - Mais v’êtes don’ fous, allez-y mou.
    Moué, j’ dis qu’ ça r’ssemble à rin du tout.
    Si j’tins encore à la fin d’août
    Mais j’embauchons à peine juillet.
    Qui faire que vous vous ameillez ?
    La mosson ;
    Ça s’est bin toujou’s fait.

     

    Quanque l’ raisin c’mmence à sanger,
    Allez, ça y est, faut vendanger.
    I’ s’eccupont pas des varjus,
    On y mettra du suc’ en p’us.
    C’est coumme une bande de sansounnets.
    Les vignes, a’ s’ vouéyont pas condui’.
    Et puis les v’là à m’allucher :
    - Tu veux don’ les laisser pourri’.
    Sôrs tes poinçons, prépare tes siaux ;
    Manquab’e que tu bouèras qu’ de l’iau.
    C’est-ti qu’tu les laisses aux moniaux
    Vou qu’ tu crain’rais l’ mal de dos ?
    - Eccupez-vous pas d’ mes douleurs.
    Moué, j’y laisse prend’e de la couleur,
    Que j’y réponds. Cueillez-les don’
    Si v’aimez fai’ d’ la ch’tite bosson.
    C’est pas du bouère à ma manié’.
    Les vendanges ;
    Ça s’est bin toujou’s fait.

     

    L’aut’e souèr, j’avins fini d’ souper,
    J’ dis à Fonsine : - Vins don’ t’ coucher.
    J’étais bin juss’e su’ l’pouèl des reins,
    Que v’là-ti pas que j’ sens sa main
    Qu’a’ m’ fourgounnait sur l’ devant.
    A’ v’nait d’me faire coumme un coup d’ sang.
    J’y dis bin vite : - Veux-tu fini’,
    J’sons p’us d’une âge aux agaceries ;
    On va laisser tout l’ monde au lit.
    Mais si tu croués qu’ ça l’a r’butée,
    Al’ est r’venue à m’allucher :
    - Arrive don’ là, mon grous moniau,
    Arrive don’ vite, j’ veux t’ fai’ la piau !
    Mais tu gonfelles pas l’édredon,
    J’ te sens bin pâle dans ton caleçon,
    T’aurais-ti pas des foués l’ pleyon ?
    Moué, j’y réponds : - bouge pas mignon,
    Laisse don’ fai’ un peu la nature.
    Minme l’ pain mou, i’ finit dur.
    Ça va bin v’ni’, sans m’agacer.
    La bricole ;
    Ça s’est bin toujou’s fait.

     

    Pascal PAUVREHOMME
    « Detfunt l’Ugène », monologues patoisants
    publié par La Bouinotte (Châteauroux, 2005)

     

    Glossaire, sonorités :
    A’, al’ : elle.
    Allucher : séduire, allécher.
    Ameiller (s’) : se faire du tracas, du souci.
    Apidance : nourriture.
    Basiot : idiot, imbécile.
    Bouchure : haie vive servant de clôture.
    Ça l’arsemb’e : cela ressemble.
    Ch’tit : mauvais ou petit.
    Eccuper : occuper.
    Embleuves (ou emblaves) : semailles.
    F’ner : faire les foins.
    Fougaler : précipiter le mouvement, énerver.
    Fourgounner : remuer en faisant du bruit.
    I’ : il.
    « In » : remplace le son « ien ».
    « Ins » : remplace le son « ais ».
    Juss’e : juste.
    Leuve : lève.
    Manquab’e : sans doute.
    Marsèche (la) : orge.
    Minme : même.
    Moniaux : les petits oiseaux en général.
    « Ouè » : « oi ».
    Pleyon : manque de vigueur, en parlant du sexe masculin.
    Toujou’s : toujours.
    Veson (le) : nervosité.
    Voù : où.
    Yeu : leur (s).

     

       Et pour terminer en beauté, voici la présentation d'un DVD qu'il a produit avec Lancosme multimedia. On y trouve des extraits de ses prestations.
     

     
     
     

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