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    Sabine Sicaud

    Sabine Sicaud 
     
     

        Je veux rappeler ici la mémoire d'une enfant merveilleuse, d'une enfant prodige, que nul ne connaît si ce n'est peut-être le possesseur comme moi de cette "Anthologie des Poètes contemporains" en 5 volumes de Pascal Bonetti, paru chez Delagrave en 1959.
        ...Et pourtant, si ! Toi, tu en parles, Frenchpeterpan mon ami ! Et d'après toi il y aurait un livre, des livres peut-être, à son sujet ? Et lorsque je consulte son nom sur Google, les sites pleuvent, comme celui-ci... Alors, bientôt, elle sera notre Rimbaud féminin.
      
      Cette enfant espiègle née près de Villeneuve-sur-Lot en 1913 était une amoureuse de la vie dont le talent poétique allait, dès ses onze ans,  se voir couronné du Prix du jasmin d'Argent,
    à Agen en 1924. En 1925, ce fut la Comtesse de Noailles qui la remarqua, lui décernant pour ses "poèmes d'enfant", le Grand Prix des Jeux Floraux.
        Hélas, pour une pauvre égratignure à la jambe, elle devait succomber peu après à une gangrène généralisée que nul ne sut guérir à l'époque, laissant des textes si déchirants que l'on en reste bouleversé.
        Je vous livre aujourd'hui deux de ses poèmes "heureux". Il semblerait que l'on ait eu du mal à accepter, au départ, que ces poèmes si achevés et d'une telle maturité de pensée fussent bien d'elle...!


    * * *


    La main des dieux, tu peux refuser de la prendre.
    La main du mendiant, tu peux aussi.
    Toutes les mains qui frôleront la tienne,
    Tu peux les oublier.
     
    La main de ton ami, ferme les doigts sur elle,
    Et serre-la si fort que le sang de ton cœur
    Y batte avec le sien au même rythme.
     
    Et que m’importe la coque de ton âme,
    qu’elle soit jeune ou vieille, épaisse ou fine ;
    que l’on t’appelle un homme ou une femme,
    que tu sois une cloche, un gong ou le grelot
    d’une source invisible,
    j’entendrai bien le son.

    (Extrait des cahiers de Sabine Sicaud)
     
    * * *
     

    Châtaigne

     
    LA CHÂTAIGNE
     

    Peut-être un hérisson qui vient de naître ?
    Dans la mer ce serait un oursin, pas bien gros…
    Ici, la boule d’un chardon - peut-être –
    Ou le pompon sournois d’une bardane
    Ou d’un cactus ? mais non, dans le bois qui se fane,
    Dans le bois sans piquants, moussu, discret et clos,
    Cette chose a roulé, subitement, d’en haut,
    Comme un défi… Parmi les feuilles qui se fanent.
     
    Allez, j’ai bien compris. C’est la saison.
    Les geais, à coups de bec, ont travaillé dans l’arbre.
    Même les parcs où veillent, tout pensifs, les dieux de marbre,
    Ont de ces chutes-là, sur leurs gazons.
     
    Marron d’Inde là-bas, châtaigne ici. Châtaigne
    Rude et sauvage, verte encore, détachée
    Par force de la branche où les grands vents, déjà, l’atteignent,
    Le vent et les geais ricaneurs, et la nichée
    Des écoliers armés de pierres et de gaules.
     
    Comme il faut se défendre ! Sur l’épaule
    De la douce prairie en pente, l’on pouvait
    Glisser un jour, à son heure, qui sait ?
    Et se blottir dans un coin tiède, pour l’hiver…
     
    Ah ! Pourquoi tant d’épines, tant d’aiguilles,
    Tant de poignards dressés, pauvre peloton vert ?
    Une fente… Voici qu’un peu de satin brille
    Et le cœur neuf est là, dessous, et rien ne sert
    D’être châtaigne obscure, âpre au goût, si menue !
    Fendue, on est une châtaigne presque nue…
     
    Et le coup de sabot sur la tête viendra,
    Et le couteau pointu, l’eau bouillante, le pot
    Qui sue avec de petits rires, des sanglots
    Dans les tisons trop rouges ; tout sera
    Comme il est dit en l’ordinaire histoire des châtaignes.
     
    Et vous ne voudriez pas, quand me renseigne
    Dans la ville brumeuse, un cri rauque : « marrons tout chauds ! »
    Quand j’aperçois, joufflus, blêmes, sans peau,
    Ou craquelés et durs avec des taches de panthère,
    Les frères de ma sauvageonne, tous ses frères –
    Vous ne le voudriez pas, que j’évoque, là-bas,
    Un vieil arbre perdant ses feuilles rousses,
    Et me souvienne du choc sourd, lourd comme un glas,
    De pauvres fruits tués qui tombent sur la mousse ?
     

    Poèmes d’enfant, préface de la Comtesse de Noailles
    (Les Cahiers de France, Poitiers, 1926)

     

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        Je vous parlais il y a quelque temps de Robert Bichet, artiste atypique formé par l'écoute assidue de France Culture, devenu d'abord poète à 12 ans, puis peintre par la fréquentation d'un peintre à 14 ans, enfin entré au Conservatoire de Tours pour étudier le hautbois à l'âge de 16 ans, puis au Groupe de Recherches Musicales de Radio-France à l'âge de 21 ans...
        Aujourd'hui directeur de Conservatoire dans la ville que j'habite, il a créé en 1996 une œuvre musicale pour l'inauguration d'un service de pointe dans l'hôpital local : le service de rééducation fontionnelle.
        Dédiée au personnel soignant de cet hôpital ainsi qu'aux malades en général, cette œuvre évoque de façon poignante la maladie, en citant intégralement un poème de Sabine Sicaud, lu par un récitant (une femme de préférence) ; puis elle esquisse une voie vers la guérison, s'achevant par une autre citation, un air de jazz connu, interprété au saxophone ténor par Coleman Hawkins : "Body and Soul", à laquelle elle doit son titre.
       Interprétée par l'orchestre des élèves et des professeurs de la ville d'Issoudun, cette œuvre fut donnée en création le 1er juin 1996 sur le parvis de l'hôpital (photo ci-dessous), puis rejouée en salle pour le concert de fin d'année du Conservatoire (c'est cette version dont je vous livre quelques extraits). La récitante y est Marie-Noëlle Bichet, fille du compositeur, qui a fait des études d'art dramatique au Conservatoire National de Tours ; et à l'orchestre s'ajoute, comme souvent chez Robert Bichet, une bande de sons enregistrés que vous percevrez notamment à la fin, lorsque le retour à la santé est symbolisé par le départ d'un train à vapeur puis par des chants d'oiseaux au printemps, et enfin par l'ambiance colorée d'un marché par un matin frais.


     
    Le concert en plein air devant l'hôpital de la Tour Blanche
    Au premier plan, Robert Bichet ; juste derrière lui, Marie-Noëlle Bichet, récitante.

     

    Voici un extrait central de l’œuvre :
    fin de la première partie (maladie, souffrance)
    et début de la seconde (guérison),
    avec le poème de Sabine Sicaud

     

    Maladie

    Ah ! Laissez-moi crier, crier, crier…
    Crier à m’arracher la gorge,
    Crier comme une bête qu’on égorge,
    Comme le fer martyrisé dans une forge...
    (...)

     
    Poèmes posthumes
     
     Sabine Sicaud
    Sabine Sicaud

     Voici comment s'achève l’œuvre,
    avec ces bruits de train, de marché, et enfin
    "Body and Soul" joué par Coleman Hawkins...
    (incomplet, dans cet extrait)




    Coleman Hawkins 
    Coleman Hawkins

     

    Visitez ici le site consacré à l'oeuvre poétique de Sabine Sicaud :

    https://www.sabine-sicaud.com/

     
     

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    Les Rois Mages

       
        Je vous avais promis un autre extrait de l’œuvre de Gabriel Pierné "Les enfants à Bethléem" : celui qui annonce l'arrivée des Rois Mages.
        Avec un léger retard, voici ce passage - car l’Épiphanie dure encore bien aujourd'hui...
        (Je vous rappelle que dans cet "oratorio", dont le livret a été écrit par Gabriel Rigond, des petits pastoureaux entendent chanter une étoile qui leur demande d'aller porter de la nourriture et des lainages à un petit enfant, né dans la nuit ; alors qu'ils se mettent en route, ils aperçoivent une étrange caravane qui approche dans la même direction...)
     

    Jeannette

    Qui vient là-bas ? Qui vient encore,
    Cheminant par monts et par vaux ?
    Le pas cadencé des chevaux
    Résonne sur le sol sonore !

    Nicolas

    Regarde aussi, Nicolette !

    Jeannette, Nicolas et Lubin

    Regarde ! Écoute ! Vois !
    Ils marchent de front sur la route...

     

    Extrait musical, avec Norah Ansellem (Jeannette),
    Raphaëlle Hazard (Nicolas), Daphné Kupferstein (Lubin)
    et le Nouvel orchestre philharmonique de Radio France
     dirigé par Michel Lasserre de Rozel
     



    Les Rois Mages


     

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    Et c'est reparti !

    En avant pour 2007

     

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  • La forêt de Fontainebleau vue du Mont Fessas (Cliquez pour agrandir)


    Le soleil est déjà couché
    Là-bas derrière l’arbre
    Les vastes rochers plats qui moutonnent l’ont vu
    Et l’arbre le contemple ultime sentinelle


    (Cliquez pour agrandir)
     

    Quelques pavés taillés dévalent le chemin
    Et nous allons nous perdre entre des murs de pierre
    Labyrinthes moussus au crépuscule humide


    Soir d'hiver à Fontainebleau



    Ici on est le roi
    Il suffit de trois pas
    Pour dominer le monde

    Ou plutôt pour rêver
    Qu’on s’endort avec lui


    (Même endroit ; cliquez pour agrandir)
     
     

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