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    Calligramme composé à l'époque où je jouais du violoncelle.
    (Mais je regrette un peu d'avoir placé l'archet à droite).

     


    Poeme-en-forme-de-violoncelle-signe.jpg

     
     
     

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         Vous ne connaissez de Renée Vivien que ses traductions... Voici maintenant un de ses poèmes personnels.

     

     


    Passants, je me souviens du crépuscule vert

    Où glissent lentement les ombres sous-marines,
    Où les algues de jade au calice entr’ouvert
    Étreignent de leurs bras fluides les ruines
    Des vaisseaux autrefois pesants d’ivoire et d’or.
    Je me souviens du soir où la nacre s’irise,
    Où dorment les anneaux, étincelants encor,
    Que donnaient à la mer ses époux de Venise.
    Passants, je me souviens du mystique travail
    Des vivants jardins qui recèlent, virginales,
    L’anémone et la mousse et la fleur du corail
    Dont l’effort des remous avive les pétales,
    Rose animale et rouge éclose dans la nuit.
    Je me souviens d’avoir bu l’odeur de la brume
    Et d’avoir contemplé le sillage qui fuit
    En laissant sur les flots une neige d’écume.
    Je me souviens d’avoir vu, sur l’azur changeant
    Des vagues, refleurir les astres du phosphore.
    Mon lit d’amour était le doux sable d’argent.
    Je me souviens d’avoir frôlé le madrépore
    Dans ses palais, d’avoir vu les lambeaux empreints
    De sel, qui furent des bannières déployées,
    D’avoir pleuré les yeux et les cheveux éteints
    Et les membres meurtris des Amantes noyées…
    J’ai connu les frissons de leur baiser amer.
    Dans mon cœur chante encor la musique illusoire
    De l’Océan. – Je garde en ma frêle mémoire
    Le murmure et l’haleine et l’âme de la mer.

     

     

    (Renée Vivien, extrait du recueil "Évocations"

    publié chez Alphonse Lemerre à Paris en 1903)

     

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  • Le signe de la Vierge, par Johfra

     

     

    P  arce que tu avais un ange à ta fenêtre,

    A  ssis sur un coussin de lys et de glaïeuls,

    S  ouriais-tu sans crainte à ces porteurs de guêtres,

    C  omiques d'apparence - et dans leur jeu, si seuls ?...

    A  fin de les comprendre un peu, tu fis un geste

    L  impide et pénétrant, d'au-delà du tilleul ;

    E  t puis tu t'en allas, insoucieuse du reste...

     

     
     
     

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     Au seuil tout s'est éteint
    O la paix des mirages
    Et ce fut l'infini dans un poisson-sirène
    Ce fut la conque rose à l'oreille ravie
    A perte de regard le silence épandu
    Un amour sans égal au fond du cœur brisé

     

     La Paix nous a saisis
    Comme des malfaiteurs
    Et tout s'est arrêté nos regards suspendus
    Nos cheveux envolés notre sourire ému
    O miracle soudain qui fait le jour nouveau
    O l'amour sans égal au fond du cœur brisé

     

    L'oubli a inondé
    Le lit de notre cœur
    C'est un fleuve éclatant maintenant que notre âme
    Et l'amour sans égal nous élève sans fin
    Éveillant des parfums des sons et des couleurs
    Inépuisablement de notre cœur brisé

     

     

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    Affiche de la compagnie "Bleu Cerise" (site)  

     

    A l’instar de Sappho, à qui elle s’identifie, Renée Vivien aimait les femmes. Cependant elle demeura toujours extrêmement féminine et douce, comme soumise, en retrait. Cela est dû à son caractère dépressif, contre lequel se battirent nombre de ses amies, à commencer par Natalie Clifford-Barney, fière amazone d’origine américaine qui parle d’elle abondamment dans son livre « Souvenirs indiscrets » (paru chez Flammarion en 1960).         

                       

     

    Portrait de Natalie Barney en amazone

     

     Natalie fait la connaissance de Renée lors d’une sortie au Théâtre Français. Elle est alors fascinée par la tristesse profonde qui émane de ses vers, et se promet de la sauver de la mort. Selon elle, Renée avait un aspect enfantin ; elle était faible et pâle, très différente de l’aspect que lui donne Rodin sur le buste qu’il a fait d’elle (voir ici).

    Renée apparaissait aux autres douce, blonde, tendre et rieuse, puérile, gaie, malicieuse même ; on ne la croyait pas, lorsqu’elle parlait de mourir… Colette la décrit ainsi : « Son long corps sans épaisseur, penché, portait comme un lourd pavot la tête et les cheveux dorés, et de grands chapeaux chancelants. Elle tendait en avant ses longues mains tâtonnantes. Ses robes couvraient ses pieds, elle allait frappée d’une gaucherie angélique et perdait en marchant ses gants, son mouchoir, son ombrelle, son écharpe… » (Le Pur et l’Impur)

    Elle se cachait même pour écrire, comme une adolescente en faute. Cependant, c’est Natalie qui lui fit découvrir Sappho, et par là-même, déclencha la plus grande passion de sa vie. En effet, Renée était mystique dans l’âme, elle avait besoin d’adorer… Natalie l’aida à étudier le grec, la conduisit à Mytilène, capitale de l’île de Lesbos et ville de Sappho. Et c’est ainsi que naquit le recueil intitulé « Les Kitharèdes » (Paris, Lemerre, 1904), où elle fait revivre les vers de toutes les amies, réelles ou supposées, de Sappho.

     

    En voici un extrait, mis dans la bouche d’une certaine Nôssis, qui admirait Sappho sans être connue d’elle. Originaire de Locres, colonie grecque du Sud de l’Italie, elle est citée par Antipater de Sidon comme l’une des neuf poétesses grecques enfantées par la Terre pour la joie des mortels (à l’instar des neuf Muses enfantées par le Ciel pour le bonheur des dieux). Nôssis aurait professé l’amour des hommes et le bonheur d’être mère, mais Renée ne peut s’empêcher de mettre dans son cœur des sentiments pour Sappho, tant le rayonnement de celle-ci la porte, à ses yeux, au-delà même du sexe.

    Notez le changement de prononciation du nom de Sappho : étant originaire d’un île orientale possédant son dialecte et ses intonations propres (l’éolien), la grande poétesse portait un nom que les traducteurs nous livrent sous diverses formes, la forme « Psappha » étant somme toute plus fréquente et convaincante, que la forme « Sapho » adoptée beaucoup plus tard par les traducteurs latins. On préfère généralement « Sappho » (avec 2 p, l’un prononcé « p » et l’autre associé au « h » pour former le son « f »), qui demeure une interprétation intermédiaire entre l’archaïque « Psappha » et le récent « Sapho ».

     

               Citharède au VIe siècle avant notre ère  (voir ici)

     

     

    O Lesbos, je suis chère à Psappha l’immortelle.

    Elle entend, dans l’Hadès, mes fugaces accords,

    Et la vierge de mon désir lui semble belle.

    Elle sourit parmi le nuage des morts,

    Quand je viens, attisant les tièdes cassolettes,

    Cueillir ses violettes.

     

    Je t’ai cherchée, ô fleur des Kharites ! Ô toi

    Qu’on désire à travers les femmes adorées,

    Dans le mélos ployé sous une exacte loi

    Et dans les flots sereins d’une mer sans marées,

    Dans le rêve des gris oliviers, dans le chant

    Funèbre du couchant.

     

    Je n’ai point écouté les faiseurs de mensonges

    Dont le souffle a terni la clarté de mon nom :

    Je suis venue avec mes parfums et mes songes,

    En répandant le lait de la libation,

    Et je t’ai dit : « Voici les roses que je tresse,

    Et voici ma jeunesse ».

     

    Seule dans mon orgueil d’amour, j’ai méprisé

    Les silences amers, les rites et les blâmes.

    Et, pieuse disciple à ton autel brisé,

    J’ai rallumé l’ardeur expirante des flammes :

    J’ai tissé le fenouil, la rose et le cerfeuil

    En guirlandes de deuil.

     

    N’as-tu pas dit jadis, devant les cieux d’opales,

    Caressant Eranna courbée à tes genoux,

    Et mêlant tes cheveux noirs à ses cheveux pâles :

    « Quelqu’un dans l’avenir se souviendra de nous.

    Les Muses, à qui plaît la voix des amoureuses

    Nous firent glorieuses. »

     

       

    (Renée Vivien, les Kitharèdes, chapitre 7 : Nôssis)

    Les 3 derniers vers contiennent une citation de Sappho

    «Je dis que plus tard encore quelqu’un se souviendra de moi »

    (Livre II, fragment 43)

      


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